Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                               300
notre propriété ; et vous ne pouvez en jouir que comme d'un
recel volontaire ; ne consommez pas le crime que d'autres
ont commencé pour vous , rendez-nous ces richesses : dans
cette crainte, dis-je, l'archevêque défend, sous peine d'ana-
thème, d'inquiéter les religieux d'Ainay pour l'argent qu'ils
avaient eu des Juifs qui avaient été tués.
   Combien donc avaient été tués ? c o m m e n t , par q u i , pour
quel motif ces Juifs avaient-ils été assassinés? Toutes ces
questions sont restées sans réponse, elles n'en valaient pas
la peine. Les Juifs n'étaient-ils pas des animaux immondes
qu'il fallait écraser pour purger le sol! Par malheur, le sang
tachait la terre, et l'Espagne, dans ses fureurs inquisitoriales,
n'avait pas donné ses bûchers à la F r a n c e , elle n'avait pas
encore inventé, allumé la flamme qui étouffe les cris et boit
le sang de ses victimes. Chaque siècle apporte avec lui la
somme de ses connaissances. Nous sommes au onzième siècle:
maintenant on assomme, plus tard on brûlera.
   Et vraiment cette chasse aux Juifs était juste dans ses mo-
tifs, juste surtout dans ses conséquences. Je ne parle pas ici
de la différence des cultes , que l'on espérait noyer dans la
destruction du peuple juif; on arrivait par la persécution
à un résultat tout contraire; dans ces siècles bienheureux,
l'intention justifiait le crime ; mais je parle de la facile accu-
sation d'usure portée contre les Juifs , et que l'on rendait
ainsi productive à l'Eglise. Ce prétexte était prêt à servir
tous les besoins. P a r l e massacre, on atteignait deux résul-
tats heurenx : le mal futur était prévenu, le mal passé était
racheté. Je sais bien que cette condamnation de l'usure n'était
pas poussée à ses dernières limites, car enfin , pour effacer
le souvenir des ruines que celle-ci traînait à sa suite, il ne
suffisait pas de dilapider les produits usuraires , il eût fallu,
suivant les règles d'une saine justice, appeler chaque victime
de la cupidité à la répartition légale des biens du Juif égorgé;
 cet or, prélevé sur les besoins du peuple , devenait, par une
 conséquence nécessaire du meurtre, la propriété de ce peu-