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disaient-ils ; l'Eglise n'a point de part au meurtre de ses en-
fants ; elle est une mère douce et charitable qui ne veut point
la m o r t , mais la conversion des pécheurs; et cependant l'in-
quisition envoyait des milliers de Juifs au bûcher ; ses juge-
ments étaient irrévocables , mais elle avait soin de livrer leur
exécution à des bras séculiers. Ainsi, l'apologie de la force
ne peut plus être faite , le christianisme a usé la théocratie
j u d a ï q u e , et si la violence avait pu quelque chose sur l'es-
prit, dix-huit siècles de rigueurs auraient dû lui suffire. Pour-
quoi viendrait-elle encore réclamer sa part?
Oui, s i , pendant les temps qui se sont écoulés, il eût entré
dans la pensée de Dieu de ramener à lui les Israélites, une
douce persuasion eût opéré ce miracle ; m a i s , pour l'ins-
truction des p e u p l e s , l'aveuglement des Juifs dut être per-
p é t u é , et c'est pour cela que les persécutions leur furent
envoyées. En effet, l'erreur de ce peuple s'est endurcie en-
core sous le souffle des rigueurs dont on l'accabla. Avec quel
œil de mépris les Hébreux n'envisageaient-ils pas ces minis-
tres du Christ, trafiquant avec eux de leurs vases sacrés pour
-de l ' o r , vendant des privilèges aux enfants d'Israël, leur
imposant des dîmes comme à des chrétiens, les dispensant
de quelques prohibitions humiliantes en prenant de fortes
s o m m e s , ou se donnant la petite satisfaction d'appliquer des
soufflets sur la joue du syndic des Juifs ! Les Israélites con-
fondirent les faits avec les doctrines ; ils rendirent le chris-
tianisme responsable des fautes de quelques ministres éga-
rés; ils crurent comprendre que les persécutions des prêtres,
des princes et des peuples n'étaient autre chose que le débat
d'une question d'argent; dès lors leur haine s'envenima contre
ces nations chrétiennes au milieu desquelles ils étaient par-
qués, comptés , exploités, égorgés comme des animaux im-
mondes. Est-il étonnant alors qu'indépendamment des nuan-
ces tranchées de leur caractère , les Juifs aient conservé en-
tr'eux un cachet particulier, une confraternité de m a l h e u r ,
une nationalité vivante , quoique brisée !