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arts! N o n , certes, je n'ai jamais pu lui en faire un c r i m e ;
c'eût été de ma part une grosse absurdité. Croyez-vous q u e ,
lorsque Molière se moquait si joyeusement des ridicules pré-
tentions de celte même bourgeoisie, livrant à la risée du
parterre les efforts incroyables de l'honnête M. Jourdain
pour se former aux belles manières, personnifiant ainsi toute
une classe dans ses prétentions hors de sa nature et de ses
mœurs ; croyez-vous que Molière ait voulu lui défendre l'en-
trée de la science, la blâmeF de sentir le prix des choses qui
étaient en ce temps l'attribut et le patrimoine d e l à noblesse?
nullement! —Molière était certainement disposé à s'incliner
devant les hautes intelligences , quel que fût le rang où elles
eussent pris naissance ; Molière applaudissait à l'amour des
arts, sincère, éclairé, capable d'efforts et de sacrifices , qu'il
le rencontrât chez un roturier ou chez un gentilhomme ;
mais lui aussi croyait que l'amour des arts, que le culte voué
à cette noble religion, ne pouvait être que^ par une bien
rare exception, le résultat d'un penchant inné; il pensait que
des hommes blanchis sous le harnais de certaines habitudes,
de certaines idées, ne pouvaient subitement changer de peau,
et que la fortune ne transformait pas miraculeusement un
marchand drapier et un fournisseur en homme de lettres et
de bon goût; de mon côté, monsieur., je n'ai pas voulu dire
autre chose.
Un jour viendra peut-être, et nul ne l'appelle de ses vœux
plus ardemment que m o i , où les h o m m e s , à quelque classe
qu'ils appartiennent, cesseront d'être condamnés au boulet
par les exigences de la vie matérielle ; alors les professions
ne seront point exclusives et tyranniques ; on fera la part
des nécesssilés positives , sans refouler jusqu'à l'anéantisse-
ment les fertiles instincts de l'être moral. Il sera permis Ã
toutes les organisations de faire deux lots , sans voir l'un
frappé d'interdit à cause de l'autre. Amasser de l'argent ne
sera plus le seul but de toute existence, et réussir en ce point
ne tiendra pas lieu de ce qui manquera d'un autre côté ; alors