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           AUGUSTIN COCHIN1


   Il y a deux façons ordinaires d'étudier un homme : dans les
événements extérieurs de sa vie et dans ses écrits. Mais que l'on
adopte l'une ou l'autre, on n'est pas sûr de le connaître entièrement
et de pouvoir porter sur lui un jugement définitif. D'une part,
en effet, les événements sont très souvent plus forts que nous-
mêmes ; quelque direction que nous donnions à notre conduite,
nous sommes impuissants à les faire naître, et presque toujours à
les maîtriser : tout au plus pous est-il possible d'indiquer, par la
marche imprimée au navire, le but auquel il tend, et les,écueils
que sa proue cherche à éviter. La vie est une navigation si incer-
taine, que le pilote se juge moins au bonheur de la traversée qu'au
choix de sa boussole et à l'énergie de ses coups d'aviron. De l'autre,
les écrits, qui sont une part de nous-mêmes, ne donnent pourtant
 de nous qu'une image imparfaite. Philosophe, historien ou savant,
 chacun y dépose sa science sans y verser toute son âme : si on est
 tenté de s'y peindre, il y a bien à parier que le portrait sera flatté,
 sinon plus grand que nature. Quelque modeste qu'il soit, un auteur
 pose toujours devant le public : jusque dans le négligé, il se drape;
 le plus misérable sait se redresser et relève fièrement ses guenilles
 en face de la galerie. Aussi semble-t-il que le meilleur moyen de

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    Les Espérances chrétiennes, par Augustin Cochin,avec préface et notes d'Henry
Cochin; Paris, Pion, 1883. — Étude sur la Vie et les Œuvres de A. Cochin, par
Léon Roux, Paris, Gervais, 1881. — Augustin Cochin, par le comle de Falloux,
Paris, Didier, ,3e édition.
    DÉCEMBRE 1883. — T. VI.                                           34