Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                  LE RECTEUR DE VALLFOGONA                       287
   « Les choses de ce monde sont vertes et mûres.
   « Vert est celui qui croit que si la coupe n'est d'or ou d'argent,
le breuvage ne désaltère et que lumière sur plâtre n'est pas clarté ;
mûr est celui qui sait manger avec appétit où bout le pot-au-feu,
et qui sait boire dans un sabot si la soif le commande.
   « Les choses de ce monde sont vertes et mûres.
   « Vert enfin qui compte sur la verdeur de cette vie, alors que le
printemps est si près de l'hiver ; mûr est celui qui pleure ses
péchés avec une contrition vraie et se souvient que quelque
jour on lui dira : Kyrie, eleyson!
   « Les choses de ce monde sont vertes et mûres. »
   C'est encore à Quévedo * qu'il emprunte le style de sonnet dont
je cueille au dernier moment la traduction chez M. Aragon, sonnet
qui satisferait pleinement, il me semble, les habiles coryphées de
la poésie naturaliste, MM. Jean Richepin, Guy de Maupassant et
Maurice Rollinat :
             Au diable soit la femme aux appas vermoulus !
             Ruche aux rayons sans miel, face de jalousie,
             Fromage criblé d'yeux        ta physionomie
             D'une herse a les trous et les piquants..... bien plus !

             De quelque fosse il faut que l'on t'ait exhumée.
             Les morts à leurs côtés ne pouvant te souffrir,
             Lorsque tes traits flétris commençaient à pourrir,
             Pâture, par les vers à demi consumée !

             Mais si ton corps échappe à leur voracité
             Pour laisser aux vautours un repas détesté,
             (Car le sort, envers toi, redouble de furie ! )

              Que le ciel te conserve avec ton noir museau !
              Adieu! je sens pousser des ailes de corbeau
              Depuis que j'ai tâté d'une chair de voirie!

  Voilà les différents côtés de cette physionomie que devra mettre
en pleine lumière la nouvelle édition de ses œuvres, que M. Rubio
réclame de la municipalité de Tortosa, et que nul mieux que lui,

   i M. Aragon (page 18) ne reconnaît point ici l'influence de Quévedo. C'est à tort,
 croyons-nous. Ce grand génie est multiple ; le réaliste coudoie en lui le picaresque.
 Voyez notamment les pièces 399, 401, 455 et 802 de l'édition Rivadeneyra, t. III.