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SOUVENIRS D'ALGER 409 Soutenus par la résignation de leur fatalisme, les indigènes meurent bien, c'était écrit. Il n'est pas rare d'en trouver qui pro- clament cyniquement leurs crimes, s'en glorifient, regrettent de ne pas en avoir commis davantage et, jusque sous le couteau, vomissent contre les chiens de chrétiens des torrents d'injures. C'est exactement de la sorte que les choses se sont passées à Bône, le samedi 8 juillet 1882, quand les trois assassins du lieutenant de vaisseau de Kerguern ont payé leur dette à la société. Ils écu- maient de rage et on les a entendu dire à l'iman qui cherchait à les calmer : « Laisse-nous insulter ces lâches, c'est notre dernière joie. » Les parents, les amis du condamné qui va mourir se pres- sent généralement au premier rang des spectateurs et prodiguent, les femmes surtout, les témoignages de leur douleur. Elles s'arra- chent les cheveux, se mettent le visage en sang, déchirent leurs vêtements et psalmodient avec des éclats de voix sinistres un inter- minable De profundis. La cérémonie terminée, le corps est mis au cimetière musulman voisin et la tête soigneusement recousue au tronc, pour plus grande commodité de transport au paradis. Il paraît que Mahomet tient beaucoup à cette petite réparation pos- thume, ne voulant, quand il vient chercher son fidèle, ni s'em- barrasser de deux colis, ni faire deux voyages. C'est d'un homme ordonné, mais bien mesquin pour un prophète ! V PETITES DRÔLERIES MUSULMANES Je me suis amusé parfois, ennuyé souvent, à lire le Coran, les commentaires de Sidi-Khâlil, et pas mal de traités plus ou moins volumineux, plus ou moins indigestes sur la religion et la juris- prudence musulmane; dans tout ce fatras, j'ai trouvé, comme d'autres dans le fumier d'Ennius, quelques perles d'assez belle eau, et sans y toucher autrement que pour les réunir, j'en ai fait, au hasard de la rencontre, le collier que voici : L'unité de Dieu, et ce n'est pas cela que je trouve drôle, s'affirme partout avec une constante énergie.