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318                       LA R E V U E     LYONNAISE

parfois *, car la longueur' n'est plus de mise avec une exquise exprer-siou de
sentiments exquis.
   Nous retrouvons, d'ailleurs, chez Achille Mir, le poète de nature,sobre, malgré
bien delà verve— un morceau populaire, le Mûrier d'Escales, en est le témoin —•
et simplement ému, parfois, à la façon de Tavan, commme dans VEscudèlo. Mais
il y a toujours, quel que soit le sujet traité, une philosophie sérieuse au fond de sa
pensée. Son revêtement est rayonnant, sa forme toute pailletée d'étincelles. Et
puis, Mir ! voilà un nom qui vaut presque un surnom, tant il s'approprie merveilleu-
sement à cette poésie miroitante et limpide. Jamais, cependant, le parnassianisme,
jamais l'art pour l'art ne condamnera ces merveilles de style à rien enve-
lopper qui leur soit inférieur. — Gén'est pas à dire non plus qu'une sévérité
excessive préside aux chansons du félibre. « L'esprit du vin qui chante dans les
barriques », le salut de la Dame-Jeanne        qu'il courtise secrètement, lui tiennent
aussi beaucoup au cœur, son éducation première y aidant.
  En somme, nous avons là un poète plein de verve, une âme toute méridionale,
un troubadour et un jongleur aussi (M. Achille Mir se fait le personnage de ses
mille héros et sait émerveiller une assemblée félibréenne par son sourire aux
mille faces) mais par dessus tout une riche nature de poète, réservée    (L'Ibrou-
gno), chaste (La Floureto), délicate d'enfin jusqu'à la suavité (Martyro d'amour,
Pauro maire), et, sur deux pentes où la banalité est difficilement évitable,
propre à attirer des larmes' 2 aussi bien qu'un rire joyeux.
   Depuis cette publication, très épuisée déjà, M. Mir ne donna rien de bien
saillant aux amis des lettres romanes que le volume de prose que nous venons
de présenter.
   Quant a u n e appréciation critique sur ce livre, elle estmalaise'e.
   Eh, mon Dieu ! ce nouveau Lutrin a un grand mérite, celui d'être en bonne
prose d'oc. Il a aussi un grand défaut. On peut n'aimer pas les poèmes en prose :
on ne saurait refuser à certains d'être de purs chefs-d'œuvre. Mais leur perfec-
tion le plus souvent résulte de leur ciselure. Et la ciselure exclut l'abandon de la
forme, ce négligé qui est la vie elle-même dans un poème héroï-comique. 11
était donc bien hasardeux de se passer de prosodie pour raconter une aventure
d'où l'intrigue est absente, et dont le charme tout entier repose sur la physionomie
burlesque du héros principal. Nous devons à la justice d'ajouter ici que la moralité
bien visible de la fable (car c'est un apologue — un peu long seulement) est du
plus piquant intérêt. L'infatuation de certains pédants de village s'y trouve dure-
ment flagellée. Car beaucoup d'instruction rapproche de la modestie, et peu d'in-
struction en éloigne .. Qui donc n'a déjà rencontré un Jean-François          sur son
chemin 3 ! . .


  1
     Nous appliquons ce jugement à la plupart des grandes pièces du .volume.
  2
    La pièce patriotique, VInspectou, qu'il apportait tout récemment au libretou
de Fourès : Pèr VAlsacio-Lourreno      et qui rappelle singulièrement la Dernière
classe de Daudet, n'est-elle pas admirable d'émotion communicative ?.. M. Mir réussit
cependant moins souvent les pièces en vers libres que les odelettes de fantaisie,
fréquemment achevées et charmantes avec leur goût léger de terroir.
  3
    Nous trouvons cet avis de Roumanille sur la première édition de notre article :
« Vous avez peut-être tort de reprocher à cette jolie pochade sans prétention, à ce
crayon de genre, esquisse fantaisiste, « l'absence d'intrigue » et sa « longueur. » Il