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556                  LA REVUE LYONNAISE

qui, depuis silongtemps, se dressent en face et tout près delà mer,
tristes et nues comme un mur de collège ou de prison, lourdes et
oppressives comme si on les avait sur les épaules, s'éloignent,
s'abaissent et laissent à la vue délivrée un champ plus vaste. On
traverse Guyotville, Staouëli, deux petits villages tout blancs,
tout propres, tout gais, ornés de fontaines qui coulent à pleins bords,
et on arrive, dépassant le cap Gaxine, à la baie de Sidi-Ferruch.
Débarquement de l'armée française, 14 juin 1830. Quel désert! Quel
silence! Une femme énorme échouée comme pour la défendre,
devant la porte d'une auberge dont l'enseigne menteuse dit pour-
tant qu'on y loge, nous prévient en nous voyant arrêter notre
cheval, qu'elle n'a rien, mais rien du tout à nous offrir, nous n'in-
sistons pas, comprenant à quel point le dérangement d'une pareille
masse doit être pénible. Le fort, assez vaste pour abriter cinq cents
soldats, le fortest vide, des toiles d'araignée relient la grande porte au
 pont-levis. A l'ombre du rempart, un douanier tette sa pipe éteinte.
 Couché au fond de sa barque que balance le remous léger de la
 grève, un pêcheur sommeille. Pas un nuage, pas un oiseau ne se
 profile sur l'azur du ciel, pas une voile sur l'indigo de la mer. Rien
 de vivant dans ce désert que le soleil acharné à cuire sans bruit les
 rochers noirs, les sables roux, et, aussi vivant que le soleil pour les
 cœurs français, le grand souvenir de la conquête. « Oui, monsieur,
 criait mon compagnon le capitaine, très exalté par l'évocation
 belliqueuse qui se dégageait du paysage, nous l'avons conquise,
 cette Algérie, nous l'avons pacifiée, défrichée, assainie, embellie,
 et, la besogne faite, on nous met dehors, c'est-à-dire, non, on nous
 prie de rester pour monter la garde à la porte des nouveaux
 maîtres. Veille Pitou, veille Dumanet, qu'on ne dérange pas M. le
  gouverneur, M. l'administrateur! Patience, patience! Son regard
  de feu me dévorait, comme si le régime civil se fût incarné dans
  mon innocente personne ; il ne fallut rien moins pour le remettre
  en équilibre que l'action sédative du déjeuner copieux dont nous
  avions pris la précaution de nous munir.
    Il paraît qu'il est question de faire un lazaret à Sidi-Ferruch, ce
 que je puis affirmer, c'est qu'il n'est pas fait. Ni service adminis-
 tratif» ni service sanitaire, ni logements appropriés. Je m'explique
 que certains capitaines de navires étrangers, n'ayant pas obtenu la