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                               BIBLIOGRAPHIE                                     515
l'île de Malte ? Bonaparte se présente devant une place que la commune opinion
en Europe regarde comme inexpugnable, le temps le presse, la flotte anglaise est
à sa recherche. Que la Valette se défende pendant trois ou quatre jours, et l'armée
française, que sa position condamne à ne point perdre un instant, sera contrainte
de se rembarquer et de continuer sa route. Cependant aucune résistance n'est
faite, et la place se rend, sans même avoir sauvé l'honneur.
    Les Mémoires que l'honnête Doublet, chef de lasecrétairerie française du Grand-
Maître, a rédigés sur toute cette affaire ne sauraient donc manquer d'exciter
l'intérêt du lecteur, et nous devons savoir gré à M. le comte de Panisse-Passis
entre les mains duquel ils se trouvaient, d'en avoir fait part au public. Doublet
s'est trouvé mêlé à tous les événements qui se passèrent alors dans l'île, et, sans
peut-être y avoir pris une part aussi décisive qu'il voudrait nous le persuader, aux
négociations écourtées qui précédèrent la capitulation. A ce titre, les renseigne-
ments qu'il donne, bien qu'ayant besoin d'être contrôlés, sont précieux et devront
être consultés par ceux qui se proposeront d'écrire l'histoire de cette période.
    Le récit de l'occupation française est précédé d'un exposé de l'état dans lequel
 se trouvait l'ordre de Malte à cette époque, exposé qui facilite singulièrement
l'intelligence des événements. Il en était de cette institution comme de toutes les
fondations humaines. Le circulas vitse qui est la règle de l'ordre physique se re-
trouve dans l'évolution des choses de l'histoire : il y a là une loi providentielle ou
fatale, comme on voudra l'appeler, que rien ne saurait éluder. Une élévation
plus ou moins rapide succède à d'humbles débuts, et lorsqu'une puissance quel-
conque est parvenue à l'apogée de sa grandeur, la décadence survient, irrémé-
diable et définitive. Et, chose remarquable, c'est lorsqu'une nation ou une institu-
tion a cessé de rendre les services auxquels l'avait appelée cette organisation
grandiose qui préside aux destinées du monde, et que la philosophie de l'histoire
ne saurait méconnaître, qu'elle s'écroule et disparaît, au moment fixé pour l'ap-
parition d'une race nouvelle. Ainsi il en fut pour les Templiers. Après avoir
merveilleusement servi les intérêts de la chrétienté, leur orgueil et leurs riches-
ses accumulées les perdirent. Pareil fut le sort des chevaliers de Malte. A l'époque
dont nous parlons, leur raison d'être avait disparu : les caravanes, auxquelles
étaient astreints tous les membres entrants dans l'ordre, et qui étaient pour eux
l'apprentissage de la guerre, se réduisaient à de simples promenades sur mer,
 qu'on abrégeait le plus possible, et qui n'avaient d'autre but que de recueillir les
 riches revenus des commanderies. A terre, la principale occupation des cheva-
liers était de mener joyeuse vie; la conduite des prêtres qui faisaient partie de
l'ordre n'était pas meilleure, au moins en général. Quand, à l'approche des
 Français, le clergé tant séculier que régulier de l'île, fit une grande procession
 pour détourner la colère céleste, celui de l'Ordre n'y prit aucune part : et sur le
parcours, nombre de chevaliers conservèrent le chapeau sur la tête et ne se firent
pas faute de railler les cérémonies religieuses.
   On le voit : l'esprit qui animait les valeureux guerriers d'autrefois, qui furent
si souvent le rempart de la chrétienté contre les Turcs, était complètement éteint.
Il ne restait plus aux restes misérables et inutiles de la glorieuse corporation
qu'à disparaître. Du moins pouvaient-ils succomber en héros, enveloppés dans les
plis du drapeau, et faire ainsi oublier, par une mort éclatante, bien de honteuses
défaillances.
   Malheureusement Ferdinand de Homspech, qui se trouvait alors revêtu de la