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510 LA REVUE LYONNAISE En 1770, l'esprit de rébellion de tous les Parlements trouva dans de lourds impôts proposés par le souverain, un nouveau prétexte d'opposition, bien coupable, à la volonté royale; une nouvelle Fronde, comme l'observe si bien M. de Saint- Victor, d'un caractère plus dangereux que la première, était à craindre. Choiseul était alors ministre et Maupeou, chancelier. La position du roi vis-à -vis des Parle- ments, en révolte, devenait de plus en plus difficile ; on crut en sortir en les brisant. Choiseul était leur ami secret; sur son refus de frapper ce grand coup, le roi l'exila à Ghanteloup ; Maupeou qui n'était retenu par aucune considération, s'en chargea. Dans la nuit du 19 janvier 1771, des mousquetaires envahirent les maisons des magistrats pour leur enjoindre de signer l'acceptation ou le refus de l'édit royal. La plupart répondirent non, ceux qui signèrent oui se retractèrent le lendemain. Alors un arrêt du conseil des ministres déclara le Parlement dissous et des lettres de cachet furent délivrées contre tousses membres. Trois d'entre eux furent envoyés en Beaujolais. C'étaient l'abbé de Marzac, d'une famille du Péri- gord, Camus de Pontcarre, originaire du Beaujolais, et le premier Président de Lamoignon. Rien n'est intéressant comme le récit fait par M. de Saint-Victor de l'arrivée de ces trois magistrats dans les divers lieux de leur exil. Je ne citerai que celui qui concerne M. de Lamoignon. « Ce dernier, le plus illustre assurément des trois exilés, dut gagner immédiatement la plus petite ville de Thizy, dans les monta- gnes du haut Beaujolais. Le choix de cette résidence était vraiment rigoureux. Il semble qu'on ait voulu frapper avec plus de sévérité le chef des magistrats révoltés en le confinant dans uu lieu où ses goûts délicats, ses habitudes de vie large et luxueuse, ne pouvaient prendre un libre essor. « L'aspect du paysage, la saison mauvaise, l'heure avancée à laquelle il atteignit le lieu de son exil, ne durent pas atténuer les prévisions fâcheuses qu'il avait pu concevoir. Le fastueux magistrat arrivait par une route étroite et rocailleuse, gravissant des coteaux monotones ; il ne rencontrait sur leurs sommets arides et uniformément arrondis que des bruyères sèches, de sombres sapins et des châ- taigniers étendant leurs branches noircies et dépouillées par l'hiver. « La nuit était arrivée avant qu'il eût atteint le but de son voyage, et les feux s'allumaient dans les rares et pauvres demeures dispersées dans les montagnes environnantes, quand apparut la silhouette sombre et indécise de la colline que couronne Thizy, resserré daus son enceinte fortifiée. « Mais l'illustre voyageur dût, avant d'y parvenir, gravir longtemps encore dans son carrosse aux panneaux armoiries, décorés des masses et du mortier, un che- min montant, tortueux, sans bords, où ne passaient ordinairement que des char- riots et des mulets. Ses gens joignirent leurs efforts à ceux des six mules empa- nachées, à travers les cailloux roulant et les roches à fleur de terre et l'équipage entra dans Thizy par la porte de Lyon. Malgré l'heure avancée, de la ville où il est attendu on s'avance avec des fallots au-devant de cet hôte éminent, qui arrive entouré de sa femme, de ses enfants et de sa sœur, Mme de la Motte qui, étant infirme, n'avait pu faire ce long et pénible voyage qu'à grand'peine. » « Les Lamoignon furent accueillis avec la plus gracieuse courtoisie par M. de Varennes-Bissuel, seigneur de Saint-Victor, Ronno, Pierrefitte, etc, auquel appar- tenait alors la baronnie de Thizy. » Thizy faisait partie alors du Baillage du Beaujolais, fondé au xm e siècle par les seigneurs de la province. La présence du président de Lamoignon dan