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BIBLIOGRAPHIE 511 ses murs ne put qu'exercer une fâcheuse influence sur les magistrats de ce baillage. L'esprit frondeur mis à la mode par la secte philosophique, si funeste à la France, ne tarda pas d'entraîner même les représentants de la justice, dans le vertige universel, et M. de Saint-Victor a eu l'heureuse pensée de nous donner les monuments mêmes des actes de la regrettable insubordination de ces magis- trats. Les malheureux, dans le trouble de leur esprit, s'étaient imaginé que le bannissement du Parlement de Paris dont ils ressortaient, était une grave atteinte au privilège de leur corps, et ils furent les premiers à manifester en faveur d'une cour qu'ils jugeaient « la première et la plus inviolable du monde ». Ces monuments étaient, pour ainsi dire inconnus, et enfouis dans la bibliothèque du savant bibliophile, M. le baron de La Roche Lacarelle père. M. de Saint-Victor, en les publiant a eu une excellente inspiration, car l'histoire des anciennes institutions judiciaires du Beaujolais, comme du Lyonnais est encore à faire et la rébellion du Baillage du Beaujolais en est l'un des épisodes des plus dignes d'étude. Je ne saurais, faute de place, indiquer tous les documents puisés par M. de Saint-Victor dans le Registre des actes du baillage, s'étendant depuis 1706 jusqu'à la Révolution, mais on les lira avec un grand intérêt dans le livre de ce jeune auteur. Le premier document porte la date du 29 jan- vier 1771 ; e'est le procès-verbal d'une réunion du Baillage dans laquelle, il a été décidé qu'une députation se rendrait à Paris « pour faire aux officiers du Parlement hommage de respects, d'attendrissements et de services » et qu'avant la mise à exécution de l'édit qui brisait le Baillage, il en serait référé au duc d'Orléans qui avait le Beaujolais en apanage. Ce prince se borna à une réponse évasive et déclara qu'il ne prendrait un parti que selon les agissements ultérieurs du Baillage ; mais ce dernier ayant appris que le Procureur du Roi près le Conseil supérieur de Lyon se proposait d'assurer l'exécution de l'édit « avec la der- nière exactitude » déposa sa démission de ses fonctions le 19 mars. Il en référa encore au duc d'Orléans pour demander s'il devait ou non enregistrer cet édit « si contraire à ses intérêts et à la Province. » Ce prince qui ne pouvait se ranger du côté de ses magistrats, par raison d'Etat, accepta leur démission et le Baillage, quoique mis en demeure par les gens du Roi, persista dans son refus d'ordonner l'enregistrement. Cette rébellion devait avoir un terme et, le 29 mai, un huissier fit sommation au nom du procureur général du roi à chaque juge d'avoir à se conformer à la volonté royale. L'huissier était accompagné « des cavaliers de la maréchaussée en habits d'ordonnance et armés de leurs sabres et mousquets. » Ls baillage dut enfin se soumettre ; mais il ne cessa d'agir pour obtenir son rétablissement ; il entre- tenait à Paris des mandataires qui lui rendaient compte de leurs démarches auprès de tous les personnages bien en cour. Les avocats et les procureurs pos- tulaient de leur côté, mais ce ne fut qu'en 1775 que le roi se décida à rétablir le Baillage de Beaujeu par un arrêt enregistré en la chambre des vaccations sur les pressantes instances de M. de Malzerbes. « Rien n'avait coûté à son zèle, écrivit le Baillage dans sa lettre de remerciement, pour changer en roses toutes les épines que la malignité de leur étoile semblait semer chaque jour. » Le duc d'Orléans auquel le baillage avait aussi fait parvenir l'expression de sa gratitude, moins réservé qu'en 1771, répondit : « J'ai applaudi au courage et à la fermeté avec laquelle vous vous êtes comportés. Je vous regarde comme de bons et fidèles sujets du Roy, dignes de remplir les fonctions de la Magistrature. Votre