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322                      LA REVUE LYONNAISE
trations, artistes, poètes, savants, mais toute province en récolte-
t-elle assez pour constituer une académie, une école, un musée?
à Lyon, cela existe, une collection de deux cents ouvrages d'ar-
tistes lyonnais, et il en manque à l'appel. Peintres et sculpteurs de
premier ordre, graveurs qui ont tenu un rang élevé dans l'école
française, le catalogue de 1869 mentionne 36 noms de peintres, 20 de
sculpteurs et 23 de graveurs, non représentés par des ouvrages.
   Ce catalogue, fort bien rédigé par feu M. Thierrat, se vend
dans la salle. C'est donc une prétention exhorbitante que de reve-
nir sur les appréciations d'un peintre aussi distingué, une ampli-
fication inutile. Pourquoi empiler ces commentaires dans la Revue ?
Le besoin s'est-il fait sentir de commenter ou de contredire les
notes judicieuses de l'ancien conservateur? non, à coup sûr; mais il
n'est peut-être pas sans intérêt de jeter un regard sur les ten-
dances de chaque époque, sur le progrès, sur les défaillances, sur
les rapports des tendances pratiques avec les idées générales,
 avec les influences de la vie extérieure, de chercher dans quelles
proportions ont dominé l'esprit et la matière, la conception et
l'exécution, de voir avec quelle énergie certains artistes ont su
résister au mauvais air des doctrines passagères et conserver les
saines traditions, et puis, le vrai but de cet article, c'est de se re-
trouver dans une réunion d'anciens amis, d'organiser un banquet
de disparus, ou de dépaysés en 1883, un dialogue des morts, un
 congrès de revenants.
    J'éprouve un certain embarras en voyant briller sur la listé le
 nom célèbre de Bonnefond, jadis porté aux nues, un peu dédai-
 gné maintenant. Les grands hommes du réalisme le considèrent
 comme un précurseur trop timide, trop léché, trop soucieux de
 donner une portée morale à ses compositions. Les mystiques le
 trouvent singulièrement trivial. Il s'est permis d'avoir de la cou-
 leur et d'ignorer les sublimes incorrections des écoles primitives.
 Pour moi, plus je revois ses ouvrages, plus je me persuade qu'il
  avait une forte dose de talent. Sans doute, Bonnefond ne dessinait
  pas avec un clou1, mais il dessinait correctement; sans doute, il
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     Dans Vautre inonde, Granville, élève d'Ingres, représenle son maître dessinant
 avec un énorme clou, et sur la Croupe, car c'est un cheval de bois, sont les élèves
 ayant chacun un clou en guise de crayon>