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 260                  LA REVUE LYONNAISE




                                  XII

    A toutes les époques, surtout après de grandes révolutions, les
 enfants de la même nation sont enveloppés dans la solidarité de leur
 siècle. Si quelques-uns seulement ont sucé le lait empoisonné d'une
éducation immorale, les mœurs publiques ont toutefois tellement été
infectées de la liberté de tout penser, de tout dire et de tout faire,
l'exemple a si bien imprimé sa trace sur l'esprit public, que les plus
innocents ont encore eu leur part de responsabilité en ne réagis-
sant pas dans la mesure de leurs forces contre le désordre intellec-
tuel des écrivains devenu? les favoris de la foule. C'est pourquoi
cette solidarité devient un principe de la doctrine propagée de nos
jours. Toutefois, les partisansde cette doctrine tendent à rendre plus
absolue cette responsabilité solidaire, en niant l'individualité h u -
maine qu'ils remplacent par un moule uniforme destiné à la for-
 mation intellectuelle, morale, même professionnelle des générations
nouvelles. On tombe ainsi dans le despotisme du socialisme.
    Mais à toutes les théories, à toutes les dissertations sur la thèse
 sociale, à celle de l'irresponsabilité de l'écrivain, la brutalité des
 faits qui se multiplient de plus en plus vient imposer la vérité sans
 réplique. Depuis la première citation, q u i a été le point de départ
 de cette étude, deux exemples frappants et assez récents, parmi
 tant d'autres, peuvent aider à ma démonstration.
    On se souvient de cet ouvrier qui comparaissait devant la
 cour d'assises dans une ville voisine, sous une accusation d'attentat
 à la vie d'un patron de son industrie. Cet ouvrier avait été agent
 actif d'une de ces grèves devenues Yultima ratio de la classe des
  travailleurs qui prétend rendre ainsi service aux intérêts de l'ou-
vrier et de l'industrie ; il était condamné pour avoir, armé d'un
revolver, fait feu sur le patron. Cet assassin, humblement repen-
tant devant ses juges, reconnaissait que les conseils, les discours,
les doctrines, publiées par la presse, l'avaient excité à commettre
son crime en pervertissant ses idées. Mais que l'on juge des consé-
quences des doctrines propagées, des surexcitations qui animent
les mas c es à trouver l'héroïsme et la vertu dans le crime lui-même :