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DE LA RESPONSABILITÉ L I T T É R A I R E 261 L'assassin, le condamné Fournier est devenu l'objet d'une sous- cription destinée à lui offrir un revolver d'honneur. Une chambre syndicale d'ouvriers en bâtiments de Paris lui a même rendu hom- mage en glorifiant sa nomination en qualité de président d'honneur des réunions d'ouvriers à Lyon. Eh bien! les honneurs rendus à ce criminel victime des discours et des écrits qui ont, en quelque sorte, armé sa main ne sont-ils pas le comble de la perversion morale dont lui seul n'a pas plus été l'inspirateur qu'il n'a seul conçu son crime. Combien de criminels qui, depuis quelques années, pourraient abriter leur responsabilité derrière des faits de la même nature ? Combien d'orgueilleux surexcités s'enivreront de ces exemples pour imiter tant d'héroïsme ! Si, dans l'armée, des insubordonnés frappés par la loi militaire invoquent l'exemple d'un officier supérieur refusant l'obéissance à son chef hiérarchique, parce qu'il proclamera une théorie de la rébellion et de l'indiscipline politiquement raisonnées, pour cela, sera le héros d'ovations et d'honneurs publics et même officiels ; les malheureux subalternes seront-ils des criminels et le chef un triomphateur? Les actes et les paroles de ce glorifié, comme les dis- cours et les actes de ses louangeurs, si aucune responsabilité ne les atteint, serviront à violer la logique et la justice. Pourquoi s'étonner d'ailleurs de ces excès de négation du juste et de l'injuste, du bien et du mal, du crime et de la vertu ? La nouvelle morale ne fait-elle pas son chemin? Si, en effet, des assassins font tomber sous leurs coups, par tous les procédés nouveaux de la destruction humaine, des souverains, même des chefs d'Etats républicains, si, par les discours publics, par les écrits, par la poésie, on rend hommage au patriotisme, au courage des assassins, des honneurs même, des actions de grâce sont rendus à ces victimes du dévouement, leurs imitateurs seront- ils plus coupables ? Des scélérats ont incendié Paris, assassiné sans merci non des belligérants, ainsi qu'on en est venu à qualifier les fauteurs de mas- sacres, en matière de guerre civile, mais les plus honorables et les plus pacifiques citoyens. Des provocations de journalistes connus et en renom ont tracé la voie sanglante. Les discours et les écrits