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                                  NECROLOGIE                                      215
                  Voilà le vrai rapsode et seul il en dit plus
                  Que ne feront jamais tous les chants de nos luths !
 C'est une transition pour passer d'un magique tableau de la ville à son réveil à
 la description des Panathénées qu'il rêve pour son humble et glorieux héros.
 Mais déjà il approche d'Oullins, mais il est dans le cimetière...
                  Silence, c'est ici ! ce mûrier est le sien :
                  La palme est bien choisie et le laurier va bien.
Qu'enseigne ce mûrier?le poème va nous l'apprendre. Car il est didactique et sur-
tout descriptif, plutôt qu'abandonné au lyrisme emphatique des éloges vulgaires.
Jacquard a fait de grandes choses :
                  0 poètes, venez lui rendre témoignage...
                  L'utile vous déplaît, le réel vous aigrit !
                  Pour vous Dieu, c'est un peintre, un poète, un artiste,
   Ah ! Dieu, c'est plus encore !
                  Oui, devant l'Archimède et l'Homère suprême
                 La terre est un métier comme elle est un poème !

    Jacquard l'avait compris, c'était un sage antique. Mais cette douceur dans son
 innovation, combien peu l'ont d'abord admise. L'ouvrier brisera le métier de
  Jacquard, mais Jacquard le relèvera.... en relevant l'ouvrier lui-même.
     Le rêve du poète est achevé. Après une éloquente page au peuple de Lyon et
 de hautes considérations sur l'avenir entrouvert par Jacquard, il a repris sa route
 avec le crépuscule.
    Ce poème est un monument à la gloire de Jacquard, à la gloire de Lyon. Son
 caractère lyonnais est précisément remarquable, carc'est là le traitdistinctif d'un
 poète et d'une famillequiappartiennenttoutentiersà la cité. Quand on aura l'œuvre
 complète de ces quatre frères aussi étroitement liés d'esprit que de cœur, très
 inégaux de talent, il est vrai, mais dont chacun aura été au moins homme de
 lettres, on saisira cette dominante d'une forte race d'esprits cultivés.
    L'aîné, Barthélémy, littérateur et poète, mort prématurément professeur à
Lausanne, avait déjà en lui les éminentes qualités de la famille. Son nom qui est
inscrit en tête du premier livre de M. de Laprade,est désormais inséparable de ces
glorieux débuts qu'il avait suscités. Et c'a été la dernière œuvre de Jean Tisseur
 que cette genèse de Psyché qui devait précéder la publication des poésies de son
frère.
    Quant aux deux survivants, Clair et l'abbé Alexandre, ce n'est pas à des lec-
teurs lyonnais que nous prétendons les faire connaître. A côté d'agréables fan-
taisies philologiques, le premier (Puitspelu) a laissé néanmoins un livre qui
restera. Nous parlons des Vieilleries lyonnaises. Il s'est constitué là un genre
humoristique très à lui, trop indigène pour être bien français, mais que personne
assurément ne lui disputera. Les voyages littéraires de l'abbé sont aussi digues
d'éloge. Car voilà des livres, en somme, qui ont pour but plus ou moins direct
le relèvement provincial... Mais tous ces travaux cèdent le pas à l'œuvre si har-
monieuse, si uniformément suivie de Jean Tisseur.
    « La poésie sera de la raison chantée, » avait dit Lamartine, et tout dans l'œuvre
et dans la vie de notre penseur lyonnais semblait avoir ces mots pour épigraphe.
Son beau discours de réception à l'Académie de Lyon, les admirables études de