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216 LA REVUE LYONNAISE prose qu'il a disséminées dans la Revue qu'il dirigeait avec Buy (1848), homme, dit-on, de grand talent, dans le Censeur, dans le Salut Public et la Revue du Lyonnais, témoignent toutes d'un esprit préoccupé de l'alliance du beau et de l'utile en même temps que d'un poète et d'un critique distingué. Oui, elles sont d'un observateur éminent ses études de la Revue du Lyonnais sur la Ris- tori, Rachel et les Huguenots. On voudra les revoir, quelque jour. Cette cri- tique à la Sainte-Beuve, dont l'analyse pénétrante est elle-même une poésie, se retrouvait encore dans les causeries de Jean Tisseur. C'était le plus charmant esprit, mais peut-être aussi le plus paresseux. Ces douces flâneries de la parole et de la pensée, si fructueuses au dire de Topffer, et qui ont toujours retenu, groupé, et lié les poètes, ne pouvaient moins faire que de trouver un écho. C'est ainsi qu'il sut rapprocher Soulary, le profond humoriste, le maître virtuose, Laprade, le doux penseur, le philosophe chrétien, Chenavard, un autre Michel-Ange, et former avec eux cet incomparable quatuor d'arlistes lyonnais dont parleront nos descendants. L'âme de ces réunions, le lien de ces amitiés d'élite, c'était Jean Tisseur. Il avait peu écrit, on le savait, on l'admirait quand même universellement. Car tout ce qu'il y avait à Lyon d'intelligence etd'éducation l'avait rencontré quelque part. Un causeur! dira-t-on : verba volant!... Oui, comme la semence dans le champ de l'esprit qui féconde. C'est ainsi que le causeur agit parfois autant que l'écrivain. — Jean Tisseur en fut un exemple. Et nous revendiquons, au nom de sa mémoire, plus d'une influence utile sur sa génération ! PAUL MARIÉTON. JEAN TISSEUR Le 26 juillet dernier, à la suite d'une courte maladie, est décédé dans sa soixante-neuvième année, Jean Tisseur, chevalier de la Légion d'honneur, secrétaire de la Chambre de. commerce et membre de l'Académie de Lyon. Jean Tisseur était une de nos gloires lyonnaises. Poète, critique et économiste distingué, il a donné en tout la mesure d'un grand talent. Dans ses oeuvres poé- tiques, on trouve réunis à la fois l'élégance du rythme, la finesse de la pensée et la grâce la plus exquise du sentiment. Ses articles de critique se distinguent par les aperçus les plus judicieux sur les beaux-arts et la littérature. Personne n'a traité avec plus d'élévation et de netteté de vues les questions si diverses, que soulèvent la pratique des affaires commerciales et l'étude de l'économie politique. Aussi, de bonne heure, et à la suite d'un concours dont l'éclat n'est point ou- blié, l'Académie de Lyon s'était-elle empressée d'ouvrir ses rangs au lauréat qui avait su donner, dans son poème de Jacquard, des couleurs si poétiques et si nouvelles au tableau de l'industrie, qui fait la gloire et la prospérité de notre ville. Signalé, à juste titre, à l'attention publique par cette œuvre remarquable, où l'économiste se révélait déjà dans le poète, la Chambre de commerce comprit bien vite quel concours pouvait lui apporter un homme d'un talent si souple et si varié.