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202 LA REVUE LYONNAISE Charlemanha a vieilhit; nés pus riule; can marcha1 Dirianso qu'a toumbat quicom, e que z'ou charcha ; Sa barba a del raport amb'aquels eschautous D'un jaunastre indécis, d'un brunastre doutous Qu'à l'entoura dels jargas lou Darrieirol deboja; Ta pla, l'atge l'ébolha, e la gloria l'afoja. Oblidaqu'esserrei es un mestier amar. Charlemanha a vielhit; n'es pus riule can marcha; Lou guerrier tresannat, demora unpatriarcha, Qu'enpauzalou respet, tan parla gravamen, Soulicita l'amour, tan sourris doussamen. Uu mantel tout bourdat de martra sabeliaa Agrafât jous soun col amb'una peira flna, L'abilha benabel, emais lou geina gra ; Un dieman a soun frountluzis coum'un lugra ; Una grossa ametist estacha sas sandalas Doun las semelas d'aur clinclinon sus las dalas. Soulicita l'amour, tan sourris doussamen. Un mantel tout bourdat de martra sabelina Fai quechadun l'agacha, eque chadun s'enclina ; So qui n'empacha en re de heure, e de minjar, E de bavardejar, e d'escoubieirejar. d'être roi est un métier amer. Charlemagne a vieilli ; il n'est plus si dispos ; quand il marche, on dirait qu'il a laissé à terre quelque chose, et qu'il le cherche ; sa barbe ressemble à ces pelotons d'un jaune indécis, d'un brun douteux qu'autour des épines l'automne dévide ; aussi bien, l'âge l'affaisse, et la gloire l'accable. Il oublie que d'être roi est un métier amer, Charlemagne a vieilli ; il n'est plus si dispos lorsqu'il marche ; le guerrier a passé saison, il reste un patriarche qui impose le respect, tant il parle avec gravité, solli- cita l'amour, tant il sourit avec douceur. Un manteau tout bordé de martre zibeline agrafé sous son cou avec une pierre fine, l'habille noblement, en le laissant à l'aise ; un diamant luit à son front comme l'étoile du soir ; une grosse améthyste attache ses sandales, dont les semelles d'or sonnent sur le pavé. Il sollicite l'amour, tant il sourit avec douceur. Son manteau tout bordé de martre zibeline fait que chacun le regarde, et que cha- cun baisse la tête, ce qui n'empêche point de manger et de boire, et de causer et de jaser. i La scène se passa vers 812; Charlemagne, né en 742, mourut en 814.