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                      DERNIERE AVENTURE                             147
me promettre de me caser chez vous ? Je ne suis pas plus bête qu'un
autre, et je saurai me rendre utile.
    Le pauvre homme, continua Lulleval, prit bien volontiers
l'engagement que je lui demandais et m'affirma que tout ce qu'il
possédait était à mon service. Chose étonnante, il s'est mis à la
besogne avec ardeur et m'a remboursé intégralement ; chose plus
étonnante encore, il a tenu sa promesse et n'a plus jamais joué.
Sa glacerie est très florissante, je lui ai écrit pour lui dire que le
le moment était venu de m'y faire une petite place et sa réponse
a été telle que je pouvais la souhaiter. Je partirai ce soir. »
    Cette conversation nous avait conduits jusqu'à ma porte. Nous
montâmes ensemble, car Lulleval dînait avec moi. Une lettre m'at-
tendait sur mon bureau, elle était de Lucia Martelli qui me priait à
une petite réunion pour le soir même.
    — Parbleu ! dit Lulleval en riant, on a négligé de m'inviter, mais
je remets mon départ à demain et j'irai tout de même. Je ne suis pas
fâché de voir un peu la mine que ces dames réservent aux décavés.
    Lucia Martelli, qui a disparu aujourd'hui du monde galant, était à
 cette époque une fort belle fille, bien conservée et ayant encore beau-
coup de succès malgrélaquarantaine sonnéedepuislongtemps,disaient
les bonnes langues. D'une campagne prolongée en Russie, elle avait
rapporté une belle fortune qu'elle administrait avec autant d'ordre que
d'habileté. La courtisane du Père prodigue, qui tient ses comptes
et surveille ses domestiques, n'est pas une peinture de fantaisie.
  . La maison de Lucia ne manquait pas d'agrément et j'avoue que
je la fréquentais volontiers ; les femmes que l'on y rencontrait
 étaient généralement moins sottes que la plupart des « horizontales »,
comme on dit aujourd'hui, et les hommes y conservaient à peu près
le ton des gens bien élevés.
    Lorque nous arrivâmes il n'y avait qu'une dizaine de femmes.
Les hommes ne devaient venir qu'en sortant du théâtre ou après
avoir fait une apparition obligée dans quelques salons du monde.
    L'eutrée de Guy fut saluée par une exclamation générale ; on le
croyait déjà bien loin.
    Il expliqua avec une aimable désinvolture qu'il ne partait que le
lendemain et qu'il avait voulu passer encore quelques heures au
milieu des compagnons et des témoins de sa vie joyeuse.