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 M                    LA R E V U E LYONNAISE

 labeur intellectuel; pour être neufs, il suffit souvent aux cher
  cheurs d'exhumer des choses ignorées ; pour être originaux, il ne
 leur est presque toujours nécessaire que d'être vrais ; à cette con-
 dition, ils ont quatre-vingt-dix chances sur cent d'étonner leurs
 lecteurs.
    Parmi les sottises qui sont aujourd'hui acceptées comme des
 oracles et qui font incessamment leur tour de France, il est permis
 de citer celle-ci qui concerne la Révolution du dernier siècle : si,
 en restant un corps fermé, jalousement défendu contre l'accession
 des autres classes, la noblesse française n'avait excité contre elle
 la haine de la bourgeoisie et du peuple, si, au lieu de se canton-
 ner dans ses parchemins et sa morgue, elle se fût libéralement
 ouverle aux « couches nouvelles]» à l'exemple de l'aristocratie
 anglaise, cette noblesse n'eût pas soulevé contre elle une nation
 qui ne voulait plus de privilèges auxquels elle n'avait aucune part,
nous n'aurions eu ni 1789 ni 1793.
    Que la terrible crise dans laquelle s'est effondrée l'ancienne
 société ait été, en grande partie, l'oeuvre de la bourgeoisie, c'est ce
 qu'aucun esprit attentif et sérieux ne peut plus s'aviser de contester.
Dans son beau livre sur les Origines de la France contemporaine,
après avoir remarqué qu'au commencement du dix-huitième siècle,
personne du tiers-état ne se mêlait a des affaires du roi », M. Taine
nous a fait voir que, vers la fin du même siècle, magistrats, avo-
cats, marchands, rentiers, tous les bourgeois étaient enfiévrés de
politique. Jusqu'au plus petit commis, chacun avait sa constitu-
tion en poche et proposait gravement son plan de réformes. Mais
ces réformes n'ont-elles en d'autre but que l'abaissement des bar-
rières élevées entre les différentes classes sociales et la conquête
de l'égalité, ces barrières n'onf-elles pu être franchies sans un
bouleversement complet et une destruction totale de l'édifice mo-
narchique, c'est qu'on peut nier hardiment, absolument, et c'est
une erreur contre laquelle protestent les documents les plus au-
thentiques de l'histoire. Si les masses rurales se sont ruées à l'aveu-
gle sur les châteaux, comme un troupeau de bœufs exaspérés par
un chiffon rouge, c'est qu'elles y ont été incitées par la bourgeoi-
sie, moins soucieuse de détruire les derniers vestiges de la féoda-
lité que de faire disparaître les seigneurs eux-mêmes ; si cette