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72 LA REVUE LYONNAISE philosophie à deux faces, ambiguë et confuse, qui , bien loin qu'elle relève de lui, se fonde sur le principe directement opposé à celui du cartésianisme. » Est-ce à dire que M. de Cossoles embrasse l'opinion des philo- sophes de l'école critique ? A Dieu ne plaise ! « Ce qu'il importe de démontrer aux philosophes critiques dit l'au- teur, ce n'est pas que la vérité subjective n'est rien, ils le savent, de reste, mais que la vérité n'est pas subjective ; en d'autres termes, qu'elle existe et qu'elle est certaine ; il s'agit de détruire leur thèse, non pas de réfuter leurs hypothèses. C'est, disent-ils, parce que la vérité est inôvidente, que la croyance est un acte libre. Mais com- ment donc l'homme sera-t-il libre devant la vérité, s'il n'y a pas de vérité? Il faut qu'il la puisse rejeter, d'accord, mais il n'est pas moins nécessaire qu'il la puisse accepter ; il n'est libre qu'à la condition de pouvoir choisir. Or, il n'est pas plus maître d'accepter l'inévidence, qu'il ne le serait de rejeter l'évidence, d'admettre que deux et deux font quatre. Les critiques ne font que substituer l'im- possibilité de croire à l'impossibilité de douter, que de mettre une évidence à la place d'une autre. C'est là changer de contrainte, non pas donner ni posséder la liberté. » On le voit, la polémique de l'auteur contre les. écoles sceptiques est des plus serrées et des plus décisives. Qu'on nous permette de la résumer en peu de mots. La philosophie rationaliste ne craint pas d'affirmer du même coup : une raison puissante et impuissante, essentiellement une et inévi- tablement divisée ; une évidence irrésistible, à laquelle on résiste nécessairement ; une vérité semblable aux sciences et qui en diffère radicalement, qui est le partage exclusif des grands esprits, et que les grands esprits de ce temps-ci rejettent presque tous ; une liberté contrainte à l'erreur, un Dieu souverain, dont l'homme a droit de nier jusqu'à l'existence. Ce n'est donc pas en tant que spiritualiste qu'on la condamne ; c'est en tant que contradictoire ; ce n'est pas parce qu'elle s'attache à démontrer des doctrines im- populaires, c'est parce qu'elle les rend impopulaires en ne les. démontrant pas. Si on la délaisse, ce n'est pas parce qu'elle est profonde, mais parce qu'elle est vide ; ca n'est pas, comme elle l'imagine, que sa gravité rebute les esprits vulgaires ; c'est que sa liberté dégoûte les esprits élevés. Ce qu'on lui reproche, ce n'est