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               LA CERTITUDE PHILOSOPHIQUE                           71
ne reçoit pas toujours l'évidence. Tandis que les vérités de la géo-
métrie et des sciences physiques ne rencontrent point de contradic-
teurs et réunissent dans un partait accord toutes les intelligences,
les vérités de la philosophie sont incessamment battues en brèche
et l'objet de négations toujours renaissantes. La philosophie
démontre Dieu depuis deux mille ans ; d'où vient qu'on en doute
et qu'on en discute sans cesse ? C'est, répondent les philosphes
actuels, « parce que la raison n'admet que l'évidence. » Etrange
paralogisme, véritable non-sens qui a stérilisé les efforts des
modernes spiritualistes et fait la fortune des écoles négatives. Car
en réalité, que signifie cette réponse ? Pour qui est au courant
des doctrines de l'école éclectique, elle veut dire qu'on peut rejeter
l'évidence, qu'il n'y a point de certitude absolue et que « la vérité,
pour parler le langage d'un éminent criticiste, est livrée aux
variations de la pensée, aux caprices du vouloir, aux empor-
tements de la passion ». Telle n'est point l'opinion de l'auteur:
« La raison étantune, dit-il, ce qui est évident pour les uns, l'est
nécessairement pour les autres. La vérité étant évidente, la
raison la perçoit aussi naturellement que l'œil voit les astres,
lorsque aucun nuage ne s'interpose entre eux et lui. Or, ces
nuages qui nous dérobent la vérité, ce sont les faiblesses ou
les passions de notre volonté. » Et plus loin : « La volonté est
toujours maîtresse de détourner la raison de toute vérité qui lui
déplaît. » De là découle cette grave conséquence : la vérité est
obligatoire en même temps que librement consentie. C'est donc à
tort que les dogmatistes se refusent à admettre cette action de la
volonté, cette liberté de l'homme devant la vérité, que démontrent
si péremptoirement les faits et dont les philosophes critiques
proclament à bon droit l'évidence et la nécessité. Mais s'il en est
ainsi, si l'affirmation exige le concours delà volonté et delà raison,
que deviennent et le droit à Verreur, et le prétendu critérium
cartésien de Y évidence personnelle, si âprement revendiqués par
les partisans du dogmatisme officiel ? Ils succombent l'un et l'autre
sous l'accusation de contredire le bon sens et la vérité de l'histoire.
S'il est difficile, en effet, de concevoir que la raison puisse tout
ensemble admettre et rejeter l'évidence, c'est commettre une grande
erreur et une grande injustice que d'attribuer à Descartes « cette