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LE ROMAN NATURALISTE 45 mère dont tous les ouvrages parus ne sont que les développements successifs. En effet, si l'on néglige les articles de critique, le théâtre et quel- ques essais sans grande portée, le monument que doit transmettre à la postérité le nom de M. Zola, ce sont les divers romans qu'il a réunis sous ce titre unique : Les Rougon-Macquart, Histoire naturelle et sociale d'une famille sous le second empire. Et quand on dit romans, il ne faut pas se méprendre sur cette dénomination que l'usage impose, mais qui, d'après l'auteur lui- même, est essentiellement fausse quand il s'agit de ses ouvrages. Les études naturalistes ne sont pas des romans, mais bien tout ce qu'il y a de plus opposé au roman dans le sens ancien du mot, au romanesque. C'est un point qu'il faut retenir pour comparer la pra- tique à la théorie, et pour étudier l'application du système. Le sous-titre adopté par M. Zola pour l'ensemble de son oeuvre est assez bien trouvé, et indique d'une façon suffisamment précise le but de l'auteur. Cependant il n'est pas complet et on aurait pu y substituer avantageusement celui-ci : Histoire d'une névrose. Ce qui relie les parties entre elles, en effet, c'est principalement le développement de cette maladie dans les différentes généra- tions des Rougon-Macquart ; et l'arbre généalogique qui est en tête de : Une page d'amour, nous apprendra en résumé ce que les divers romans développent en détail, c'est-à -dire comment la né- vrose originelle d'Adélaïde Fouque, tige de l'arbre, se mélange avec les instincts du mari Rougon et l'ivrognerie de l'amant Mac- quart, se transforme et se modifie pour devenir chez Silvère Mouret de l'enthousiasme héroïque, chez la Gervaise de l'Assommoir une tendance à l'ivrognerie, chez sa fille Nana de l'hystérie, chez son fils, Claude Lantier, du génie, chez l'abbé Mouret delà manie reli- gieuse, chez sa sœur Désirée de l'imbécillité, et pour aboutir fina- lement à l'épuisement de la race. Heureusement il se trouve dans la famille un Pascal Rougoi^ médecin de son métier, qui n'a aucune ressemblance morale ni physique avec ses parents et qui est complètement en dehors de la famille (c'est l'arbre généalogique qui nous le dit), ce qui lui per- met d'observer, de réunir les documents, de dresser l'arbre généa- logique, et ce qui lui réserve le périlleux honneur d'avoir à con-