Pour une meilleure navigation sur le site, activez javascript.
page suivante »
                                        — ii5^—
teurs la liberté de supprimer ou de maintenir les débuts. Le cahier des charges qui
liait Raphaël Félix à la Ville ne stipulait pas pour ses artistes l'obligation des trois
débuts. Il se crut autorisé à pouvoir invoquer, en sa faveur, ces diverses circonstances,
et il obtint du préfet d'alors, M. Henri Chevreau, qui cumulait les attributions de
maire avec ses fonctions préfectorales, un arrêté du 28 août 1865, qui rapportait celui
du 5 novembre 1852, et supprimait, par conséquent, les débuts.
      La saison lyrique devait reprendre son cours quatre jours plus tard, le i e r sep-
tembre 1865. Le délai était court ; mais il suffit aux habitués du Grand-Théâtre pour
organiser une conjuration contre le nouvel ordre de choses, et quand le rideau se leva,
le soir de l'ouverture, ce fut un charivari indescriptible, et tel qu'il ne fallut pas songer
une minute à continuer le spectacle. Des clameurs effrayantes emplissaient la salle :
des sous tombaient en avalanche sur l'orchestre, tandis qu'au dehors, la foule, ameutée
devant le théâtre, mêlait ses protestations à celles du public de l'intérieur. Il fallut,
pour la contenir, faire sortir les soldats du poste de l'Hôtel de Ville, la baïonnette au
canon ; des bagarres s'engagèrent entre la population et la force armée, au cours des-
quelles plusieurs agents reçurent des contusions, et le secrétaire général de la préfec-
ture lui-même, M. de Metz, fut atteint et blessé par une pierre. Les dragons chargè-
rent dans la rue Puits-Gaillot, et, jusqu'à une heure du matin, la place de la Comédie
fut occupée militairement. La manifestation ne resta même pas localisée au Grand-
Théâtre et à ses abords. Le théâtre des Célestins fut envahi par un groupe de deux
cents manifestants qu'on dut faire repousser par la troupe, et d'autres se rendirent
sous les fenêtres de Raphaël Félix, dont ils brisèrent les vitres, en poussant des vocifé-
rations contre lui. A la suite de ces incidents, les deux théâtres furent fermés
pendant dix jours, et Raphaël Félix fut contraint de résilier son traité avec la ville.
      Des scènes semblables, j'en pourrais raconter bien d'autres, et il est, d'ailleurs,
un grand nombre de personnes parmi nous, qui, sans doute, n'ont pas perdu le
souvenir de certaines d'entre elles, de celles, par exemple, qui, au mois de novembre
 1875, sous la direction Senterre, furent organisées, en manière de protestation contre
la médiocrité persistante des spectacles, non point par la masse du public, mais par le
groupe des abonnés, plus nombreux, il est vrai, et plus influent alors qu'aujourd'hui ;
de celles encore qui, en 1880, accompagnèrent chacune des représentations de l'éphé-
mère direction Vachot, et obligèrent l'infortuné, mais trop rapace directeur, à aban-
donner ses fonctions au bout de deux mois. Je me bornerai à rappeler avec quelques
détails les plus récentes, puisqu'elles ne remontent qu'à quarante ans, mais qui n'ont
pas été les moins retentissantes, et qui, à ce titre, ont été le digne couronnement de la
longue période d'agitations que je viens de passer rapidement en revue.
     Plusieurs saisons peu brillantes, marquées par des désordres continuels, s'étaient
succédé au Grand-Théâtre, et las de voir gaspiller, sans profit pour la population, par
des directeurs qui ne songeaient qu'à s'enrichir pour leur propre compte, les deniers
que la Ville leur fournissait, le conseil municipal avait décidé de ne plus accorder de
subvention, et la conséquence de cette résolution avait été immédiate : le nouveau
directeur, M. Dufour, avait fait savoir, de son côté, que l'opéra serait supprimé de son