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 un Ulysse du parterre s'en étant aperçu, le peu galant cavalier dut passer au second
 rang, aux grands éclats de rire du parterre ».
       Le dimanche 3 octobre, où figurait au programme le Britannicus de Racine, ce
 fut pis. Le parterre prétendit renouveler, au cours même de la représentation, la
 plaisanterie qui n'avait été, à la soirée précédente, que le passe-temps des entr'actes,
 et par trois fois Madame Dufrénoy, qui interprétait le personnage d'Agrippine, dut
 s'interrompre et se retirer de la scène, « à raison des cris du parterre qui ne voulait pas
 d'hommes sur le devant des loges » (1).
       Mademoiselle Georges, au mois d'avril 1826, eut à subir des avanies plus graves
et plus inexcusables encore. Elle n'avait plus, il est vrai, la jeunesse et la beauté qui lui
avaient valu les faveurs de Napoléon, et ses défauts, qui avaient toujours été assez
grands, apparaissaient plus nettement à découvert ; mais, sans pitié pour son âge, sans
considération pour son talent et pour son passé, le public entremêla les ovations, dont
il daigna saluer pourtant sa gloire au déclin, des invectives les plus outrageantes, et il
se trouva un spectateur du parterre qui eut assez d'impudeur et de grossièreté pour lui
jeter à la face, comme suprême injure, le nom de l'animal, connu pour sa sobriété, qui
est encore aujourd'hui la seule monture usitée au désert.
      Une description du parterre lyonnais, parue dans un journal de cette époque (2),
retraçait, du reste, en touches fort pittoresques, l'édifiant tableau de sa physionomie
et de ses mœurs :
      « Après avoir triomphé, à grand'peine, des encombrements de la porte, écrivait-il,
vous allez vous installer au parterre. Là, pendant la représentation, chacun garde son
chapeau sur la tête, depuis le fashionable qui daigne s'y montrer avant de s'enfermer
dans sa baignoire, jusqu'au garde de nuit qui ne paraît avoir d'autre fonction que
celle de s'assurer qu'il n'entre point au parterre de parapluies et de cannes de contre-
bande. Il ferait mieux d'en interdire l'entrée aux chiens qui s'y promènent souvent.
      « On se résignerait peut-être à ne rien voir, lorsqu'on est d'une taille au-dessous
de la moyenne, si, du moins, on pouvait entendre ; mais c'est là le difficile. Chacun,
au parterre, cause tout haut de la pluie et du beau temps, de ses affaires, de ses plai-
sirs, de politique... Les colloques les plus vifs, les termes les plus énergiques, les
expressions les moins équivoques couvrent la voix des acteurs et viennent apprendre
au spectateur des choses qu'il se passerait bien d'apprendre ».

                                                 El
     On était fondé à penser que cette indiscipline chronique des spectateurs du par-
terre provenait peut-être de ce qu'ils étaient condamnés à se tenir debout, et entassés
dans un espace aussi exigu que dénué de confort. On pensa les assagir, en les asseyant
dans le nouveau théâtre inauguré en 1831. Après comme avant, ils demeurèrent incor-

   (1). Journal du Commerce du 6 octobre 1834.
   (3). Précurseur du 39 novembre 1839.