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toire, ont réclamé Mathelon et demandé des pièces nouvelles. Mathelon, qui a répon-
du avec embarras, est sorti au milieu des sifflets. Le commissaire de police a réclamé le
silence : « Nous ferons silence, a dit le parterre, mais que le rideau tombe ! », ce qui a
eu lieu et le spectacle a fini à neuf heures moins le quart ».
      La même scène se renouvelle à moins de trois mois d'intervalle, le 8 décembre
1827 (1), avec cette circonstance aggravante, cette fois, que Singier, le directeur, est
mis personnellement en cause. L'affiche avait annoncé, ce soir-là, le Diable à quatre,
une vieille pièce dont on était saturé et qu'on se plaignait de voir trop fréquemment
reparaître au programme. Le public murmurait ; comme d'habitude, il sommait le
régisseur de venir recevoir ses doléances. Singier était dans sa loge. Quelqu'un lui
cria : « Nous sommes las de votre administration ». On l'entendit qui répondait une
phrase indistinctement perçue dans le tapage ; mais une voix indignée s'éleva, qui
affirma qu'il avait dit : « Et moi aussi, je suis las de vous ! ». Aussitôt le tumulte dégé-
néra en tempête. Le commissaire de police se leva et essaya de l'apaiser, mais il ne
put y parvenir. Il fallut baisser le rideau et faire évacuer la salle. Le lendemain, le
désordre recommença. Cette fois, le commissaire, revêtu de ses insignes, réussit à le
dominer. Il annonça que M. Singier, en punition de son manque de respect à l'égard
du public, avait été arrêté et incarcéré. On ne plaisantait pas en ce temps-là ; mais cet
empressement peut-être excessif de l'autorité à se plier aux caprices du public n'était
naturellement pas de nature à modérer ses exigences.
      Les dialogues qui, dans des circonstances comme celles que je viens de rappeler,
s'échangeaient de la scène à la salle, n'aboutissaient pas toujours, il est vrai, à des
sanctions aussi dures : en général, à force de parlementer, on finissait par s'entendre à
peu près, et le ton de ces conversations était plutôt comique que tragique. Un soir du
mois d'août 1831 (2), deux mois, par conséquent, à peine, après l'ouverture de la salle
actuelle, on donnait Ma Tante Aurore de Boïeldieu. C'était un ouvrage qui, en dépit
de ses mérites, avait le tort d'être trop connu, et le public n'avait peut-être pas tout à
fait tort d'estimer qu'à un théâtre nouveau il convenait d'adapter un nouveau réper-
toire. Un orateur improvisé le signifia d'une voix sonore et fortement accentuée au
régisseur sommé de comparaître :
      « Nous sommes indignés, proféra-t-il, de la déplorable composition de vos spec-
tacles. On vous a dit que nous ne voulions plus de votre ancien répertoire... Pourquoi
ne vous montez-vous pas Zampa, le Philtre, le Dieu et la Bayadère i
      « — Dimanche, vous aurez Fra Diavolo.
      « — A la bonne heure ! ».
      Et le régisseur, qui n'était plus Mathelon, continuait en plaidant les circonstances
atténuantes, en invoquant, pour excuser la marche irrégulière des spectacles, l'indis-
position du premier ténor, M. Siran :


   1. Journal du Commerce du 12 décembre 1827.
   (1). Précurseur des 24-25 août 1831.