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122                     AUGUSTE BRIZKUX

L'hiver suivant, Marie a les fièvres, et grandit si fort, mûrit
si vite qu'après six longs mois elle a oublié papillons, libel-
lules, poissons et marguerites. Bientôt, en l'absence de son
jeune amoureux, elle épouse un honnête métayer. Le poète
la. revoit deux ou trois fois, la rencontre au Pardon de
Scaër, avec ses deux sœurs,
      Belle comme un fruit mûr entre deux jeunes fleurs,
lui achète des velours, des croix, une bague, qu'elle porte
sans mystère.
   Elle a l'air calme d'une épouse et d'une jeune mère; son
image suit le poète comme une bénédiction au sein de
Paris et du monde. Il en demande des nouvelles au conscrit
Daniel ( i ) et le supplie de lui rapporter quelque chose de
Marie, un de ces riens charmants qu'elle a touchés :
      Assis dans sa maison, alors regarde bien
      Si quelque joie y règne et s'il n'y manque rien ;
      Si son époux est bon, sa famille nombreuse,
      Et si dans son ménage enfin elle est heureuse.
      Et ses petits enfants, prends-les entre les bras,
      Et s'ils ont de ses traits, tu les caresseras...
      Oh ! s'il croît une fleur, une feuille à sa porte,
      Daniel, prends-les pour moi ! déjà sèches, qu'importe ?

   Marie ne lira jamais le poème qu'elle a inspiré: elle ne
connaît que la langue du pays. D'ailleurs, elle ne se croirait
pas l'héroïne du livre.
   Telle est cette histoire touchante, « légère comme le rêve,
réelle comme la vie », et autour de laquelle Brizeux a groupé


  (i) M.. Lecigne parle à ce sujet, p. 316 des « journées de février » :
ces journées ont eu lieu en 1848, et Marie est de 1831-1840,— Il s'agi1
des journées de juillet 1830.