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Il8                LA CHASSE A L'ABONNÉ

   Le mari cède, comme toujours, et le journal n'est pas payé.
   Aussi, de temps en temps, les infortunés journalistes
canadiens se livrent-ils à de véritables jérémiades.
    « On nous doit trois cent cinquante abonnements sur
cinq cents, s'écriait dernièrement l'un d'eux. Si nos clients
ne se décident pas à nous payer, ou tout au moins à nous
donner un acompte, nous allons être forcés de faire une
faillite dont toute la responsabilité pèsera sur la tête de
nos trop chers souscripteurs. »
    Un journaliste américain émettait,récemment l'avis qu'il
était impossible à un journal de contenter tout le monde...
et surtout ses lecteurs.
    Je m'en étais toujours un peu douté.
    Les doléances de mon confrère d'outre-mer sont de celles
qu'on ne saurait trop méditer : je me fais un devoir de les
reproduire ici :
    « Editer un journal est un travail très plaisant comme on
peut le voir.
    « S'il contient trop de politique, personne n'en veut ;
s'il en contient trop peu, personne n'en veut. Si les carac-
tères sont trop petits, on ne peut pas lire; s'ils sont trop
gros, on dit qu'il n'y a rien à lire. S'il publie des dépêches,
on dit que ce sont des mensonges ; s'il n'en publie pas, on
dit qu'il n'est pas sérieux et qu'on les supprime pour raison
politique.
    « S'il donne quelque « bon mot » on dit qu'il est fait
par des têtes sans cervelles ; s'il n'en donne pas, on dit qu'il
est fait par des pince-sans-rire.
    « S'il publie quelques relations originales, on le blâme
 de ne pas donner quelque chose de plus sérieux ; s'il en
 donne, on trouve qu'il ne sait pas distraire et qu'il donne
 ce qu'on a déjà vu dans d'autres journaux.