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LETTRES DU R. P. LAC0RDA1RE 283 la première jeunesse, occupent à peine la moitié du pre- mier. Hâtives, écourtées, semble-t-il, elles disent plutôt les incidents extérieurs de cette vie en formation qu'elles n'en laissent voir les mouvements profonds. Pourtant à mesure qu'on avance, le jeune correspondant, moins fermé, entr'ouvre sur sa nature intime des jours sinon réellement nouveaux où inattendus, du moins par où s'éclairent quel- ques coins obscurs. Ses confidences nous aident à saisir dans le vif les élans spontanés et les efforts réfléchis, et nous prémunissent contre certains jugements de parti-pris qui, dans un sens ou dans l'autre, ont tenté d'altérer une noble et sainte physionomie. Le jeu de cette destinée ressort sous des aspects plus humains, par conséquent plus vrais, qui l'expliquent, mais l'élèvent, loin de la déprécier. Les lettres seules de la jeunesse de Lacordaire, c'est-à - dire écrites avant la chaire de Notre-Dame et la restaura- tion des Frères Prêcheurs, vont nous arrêter un instant. Il en ressort d'abord la foi, point aveugle, mais entière, fervente, agissante, de celui qui avait traversé une phase de pensée incrédule. Lui-même, en plus d'une circons- tance, a fait allusion à sa conversion, événement dont il ne faut pas grossir l'importance. Issu de cette petite bourgoisie du xvm e siècle, qui, en Bourgogne comme ailleurs, était demeurée fermement attachée aux croyances d'un christianisme austère, quoi- que nullement indifférente aux droits de la raison, les leçons d'une mère à piété forte, dès le plus jeune âge ne lui avaient pas manqué. Mais une sorte de forfanterie vol- tairienne courait les lycées. Elève de celui de Dijon, Lacordaire ne fut qu'un incrédule de collège. A cet âge, l'impiété, toute d'épiderme, ne naît pas de tendances essen- tielles, pas plus que la piété, dans un milieu opposé, ne