page suivante »
48 LE PREMIER AMOUR fera le reste. N'ai-je pas bien interprété ta pensée, respec- table muet? Le Grand-Pâtre répondit par un signe d'assentiment, et le chasseur n'insista plus. Celui-ci avait pour ainsi dire psalmodié ses paroles pour mieux se faire entendre dans le tumulte des rafales. Les ronflements du guide et les grogne- ments étouffés des animaux, le lieu, l'heure, le caractère des personnages, aussi bien que les bruits du dehors, donnaient à cette scène un caractère fantastique. Quelle nuit terrible et charmante avec les périls de la tempête et le voisinage de Jeanne ! Après plusieurs heures de bouleversement, l'atmosphère redevint calme et nous vîmes alors les bêtes sortir subitement de leur attitude affaissée. A ce moment, je crois, tout le monde finit par s'endormir. C'est là , du moins, ce qui m'arriva. Quand je me réveillai le lendemain, il faisait grand jour. Le Grand-Pâtre et son entourage étaient partis, ce qui nous contraria beaucoup à cause d'Airelle que nous aurions voulu remercier. Jeanne, à son réveil, avait trouvé près d'elle un petit bouquet de fleurs bleues environné de branches d'ai- relle, touchant souvenir de la fille du sorcier. * * Le soir de ce même jour, après un voyage qui ne fut pas sans fatigue et sans incidents, à cause des difficultés de la route fréquemment coupée par les ruisseaux que l'orage avait grossis, nous rentrâmes à Vais. Je pus me rendre le témoignage d'avoir été, pendant cette excursion de deux jours, d'une discrétion et d'une