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208          LETTRE D'UN LYONNAIS D'ALGÉRIE

parer ici, par avance, sur ce jeune pays, le travail que vous
faites là-bas, par après coup, sur un pays ancien. Ma tâche
est plus facile, puisque je n'ai qu'à recueillir, à collection-
ner, avec un peu de soin et de méthode, des matières que
d'autres plus tard mettront en Å“uvre; tandis que vous,
vous êtes obligé de rechercher les débris de ces matières
péniblement, avec une sagacité de Bas-de-Cuir, avant de
les pouvoir comparer et utiliser. Je pense que vous seriez
bien content si quelqu'un, autrefois, en avait amassé une
provision dans un coin, que vous vinssiez à découvrir. Vous
le dites vous même, c'est grand pitié que les érudits des
siècles passés n'aient point pris ce souci.
   Ici, nous sommes à temps de le prendre, érudits où
simples scribes. Et même observez que nous sommes
placés au meilleur rang pour voir des choses qu'on ne voit
plus guère, et que ce que nous voyons ouvre un jour pré-
cieux sur tous les temps et tous les pays, une échappée de
regard sur des événements que l'histoire ne nous a que
malaisément conservés. Nous assistons, ni plus ni moins, à
la naissance d'une race.
   D'une race, oui, Monsieur 1
   A Dieu ne plaise que je laisse entendre par ces mots de
coupable arrière pensée, des desseins criminels ! Il en est
comme ça qui ont voulu faire accroire qu'un certain mot
avait été prononcé chez nous, un mot qui est plus qu'une
sottise et plus qu'un crime, qui est un barbarisme : celui
de séparatisme. Cela n'est pas. Grâce au ciel, nous sommes
d'assez bons fils, assez épris de la famille et autres vertus,
pour ne point renier le sein qui nous a portés; et nous
disons toujours, en parlant de la France, la mère-patrie, un
joli mot, bien doux, et qui réchauffe le cœur.
    Mais enfin, il est certain que nous faisons, comme je