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                  A UN LYONNAIS DE LYON                   215

phonétique : pourrais-je être plus versé que vous? Me voilà
fort empêché, et ma gnose, vous voyez, tourne court. Je
le connais bien, cependant, allez! Si vous étiez là, je pour-
rais vous l'imiter, et vous comprendriez tout de suite. Mais
voilà le diable ! vous êtes loin de moi, et j'en suis double-
ment fâché.
    Vous supposez peut-être que cet accent n'est point, à
proprement parler, un accent particulier, sui generis, mais
simplement un bâtard des autres accents, fils de plusieurs
pères, fait de pièces et de morceaux, comme un manteau
de pauvre : un amalgame saupoudré d'une pointe de cas-
tillan, d'un zeste de calabrais, d'une bonne pincée de sabir,
d'un soupçon de maltais, de rognures de zraïliu, et lié d'un
abondant coulis fait de narquoiserie franc-comtoise, de
prudence normande, de faconde toulousaine, d'honnêteté
savoyarde, de menterie gasconne, que sais-je ? Voire de
malignité lyonnaise ?
   Que non ! c'est un phénomène vraiment topique, essen-
tiel à la vie de la race. C'est une entité, un phénomène
idiosyncrasique : ce n'est pas une déformation consécutive
ni un épiphénomène. Il se développe par une virtualité
propre, conformément aux lois générales de l'espèce, et
sans se laisser influencer par les contingences concomi-
tantes. Ainsi, un gone de la province du centre, issu, en
troisième génération, de bourguignon et de catalan, et élevé
en voisinage italien, se trouvera avoir le même accent qu'un
gone de la même province issu, par origine, de toulousain
et de champenois, et élevé en milieu espagnol. Il y a moins
de différence entre l'accent d'un gone de la province de l'Est
et celui d'un gone de l'Ouest, qu'entre l'accent respectif de
ces gones et celui de leur grand'papa, basque ou alsacien.
  Tant il y a, pour dire juste, que les éléments premiers