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                 ET DU VIEUX PONT MORAND                   165

 des difficultés de la route. Le plus souvent on n'avait que
 des barques insuffisantes et dangereuses dans les grandes
  eaux. Aussi voyait-on sur les rives une quantité considéra-
 ble de voyageurs attardés, et exposés à toutes les fatigues et
  à toutes les privations.
    Ces souffrances, endurées dans un but pieux, attirèrent
  sur les voyageurs les mêmes sentiments de commisération
 que sur les pauvres et les malades; des confréries se formè-
 rent sur le bord desfleuvesdans le but de prêter main forte
 aux voyageurs, de bâtir des ponts pour leur passage, et de
 les recevoir dans des hôpitaux.
    Ces confréries, connues sous le nom de Frères Pontifes,
 eurent pour fondateur saint Bénezet. C'est à eux que l'on
 doit, aux xue et xmE siècles, les constructions des ponts
d'Avignon, de Saint-Esprit, de la Guiliotière sur le Rhône,
de Bonpas sur la Durance, et d'autres encore sur la Loire.
A côté d'eux s'établissaient quelquefois des confréries de
femmes pour soigner les malades. Les Frères Pontifes se
répandirent en Allemagne et même en Angleterre.
    Les bâtisses des ponts sont citées au xne siècle comme
bonnes oeuvres dans les écrits de Pierre le Chantre et de
Robert de Flammebourg, pénitencier de l'abbaye de Saint-
Victor à Paris.
    Au Moyen-Age, la construction d'un pont sur le Rhône
ou sur la Saône, n'était pas comme aujourd'hui une affaire
de quartier ; c'était une œuvre internationale, intéressant
toute la chrétienté; de même que de nos jours le perce-
ment du Mont-Cenis ou de l'isthme de Suez.
    Comme nous annonçons dans nos journaux l'ouverture
d'un emprunt, les évêques montaient en chaire, pour en-
gager les fidèles à contribuer à ces grandes constructions, et
faire œuvre sainte devant mériter le pardon de leurs fautes.