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54 LE PREMIER AMOUR de notre famille habitait ce même village et j'étais assuré de trouver auprès de lui tous les renseignements désirables. J'arrivai à destination le lendemain, et l'unique auberge du lieu se trouvant pleine, j'allai demander l'hospitalité à l'ami de mon père. Celui-ci parut à la fois charmé et surpris de ma visite et me reçut de la façon la plus cordiale. Je n'osai pas, toute- fois, aborder directement avec lui le sujet de ma visite et lui dis simplement que j'étais venu pour avoir des nouvelles de mon ancien précepteur, l'abbé Velay. — Savez-vous, dis-je, s'il vit encore, et dans ce cas, me serait-il possible de le voir? — Ah! mon jeune ami, répondit mon hôte, la vie du prêtre n'est pas facile depuis quelques années. L'abbé Velay, comme vous pensez bien, n'est pas un pierrot (on appelait ainsi les prêtres assermentés) ; il a mieux aimé s'exposer au couteau de la guillotine que manquer à sa conscience ; il mène donc depuis quelques années la vie errante d'un proscrit, caché dans les cavernes et nourri par la charité publique. La persécution est devenue heureusement moins vive depuis quelques mois et nous espérons le revoir bientôt reprendre publiquement parmi nous son saint ministère. En attendant, peut-être vous sera-t-il possible d'arriver jusqu'à lui, grâce à une personne sûre avec laquelle je vais essayer de vous mettre en rapport. Le vieillard appela un domestique. — Allez dire à la Marcelle que je désire lui parler. Un instant après, nous vîmes entrer une pauvre vieille fort alerte quoique boitant légèrement. — La mère, lui dit mon hôte, voici un jeune homme qui a besoin de voir l'abbé Velay. — Eh! grand Dieu! dit la vieille, où voulez-vous que