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D'UN VIEUX GROGNARD ss nous trouvions notre cher curé, traqué comme il l'est par les loups à deux pieds ? — De grâce, la mère, répartit le vieillard, parlons fran- chement. Vous me connaissez, n'est-ce pas, et vous savez que ce n'est pas ici qu'on trouverait un vendeur de chair humaine et surtout un assassin de prêtre. Eh bien! vous pouvez avoir confiance en ce jeune homme comme en moi-même, et si vous savez où est actuellement l'abbé, conduisez l'y sans crainte et sans redouter aucun reproche. — Ma bonne femme, dis-je à la vieille, remettez-lui simplement ceci ; j'attendrai sa réponse. Et je traçai mon nom sur une feuille de papier que je remis à la vieille. Le lendemain soir, la vieille vint me dire de la suivre. Elle m'obligea à quitter mon uniforme et mes armes et à revêtir une blouse grise comme les roches calcaires de la contrée. Puis elle me conduisit dans cet effroyable dédale de roches cubiques, mêlées de chênes, d'oliviers et de ronces, qu'on appelle le bois de Païolive. Il faisait heureu- sement un beau clair de lune, et la vieille avait, d'ailleurs, une lanterne sourde pour les passages sombres. Après force tours et détours dans les innombrables cou- loirs formés par les retraits des couches calcaires, elle s'ar- rêta à un endroit pour siffler un air. Un homme armé d'un fusil se dressa sur une roche voisine. Elle répéta son signal. — C'est bien, dit l'homme. Tu peux fileï, la Marcelle! Le profil et l'allure de l'homme m'avaient frappé. Je crus avoir reconnu mon chasseur d'autrefois. — Est-ce ici? dis-je à la vieille. — Non, mais il eût été dangereux, au moins pour vous, de passer sans crier gare, près de la retraite d'un chouan. Après une nouvelle heure de marche, nous arrivâmes au