page suivante »
50 LE PREMIER AMOUR — S'il en est ainsi, dit Jeanne, les hommes en ont plus besoin que les femmes. Et tenez, Monsieur, en voici une branche que vous garderez en souvenir du Tanargue, comme je garderai le reste en souvenir du Grand-Pâtre. — Allons! dit la mère, assez d'enfantillages comme cela. Laisse-là tes fleurs, ma fille, et allons à l'église. Et vous, Monsieur, recevez avec nos remerciements très sincères, nos meilleurs vœux de bon voyage. Et surtout, ajouta-t-elle, pour tempérer la brusquerie de la séparation, revenez colonel ! — Vous riez, lui dis-je. Eh bien! moi, Madame, je vous réponds très sérieusement que je n'oublierai jamais... Vais et le Tanargue, et que vous me reverrez un jour, à moins que je ne sois tué à la guerre. — Adieu, Monsieur ! dit Jeanne d'un ton qui m'émut profondément. Nos destinées sont dans les mains de Dieu, mais il nous a laissé les maîtres de nos sentiments. Nos vœux vous accompagnent. Elle me tendit la main et je la portai avec respect à mes lèvres, sans avoir l'air de m'apercevoir des gros yeux que me faisait Mme Durand. Jeanne suivit sa mère à l'église, tandis que j'allais à l'au- berge seller mon cheval. Une heure après, je repartais pour la maison paternelle, où l'on commençait à être inquiet de mon absence un peu trop prolongée. * * * Ici, mon grand-oncle resta un moment silencieux, comme s'il causait intérieurement avec ses souvenirs. — Comment, lui dis-je un moment après, votre roman