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D'UN VIEUX GROGNARD 49 convenance parfaites vis-à -vis de Jeanne et de sa mère. Pas un mot ne sortit de ma bouche dont l'une ou l'autre pût s'offusquer. Mais il était évident que cette réserve n'empê- chait pas tes cœurs de se rapprocher; peut-être même y contribuait-elle plus qu'une conduite opposée. Mmc Durand le sentait fort bien, car elle désirait visiblement une sépa- ration qui ne pouvait plus être, du reste, qu'une question d'heures. Le lendemain, quand je me présentai pour prendre des nouvelles de Mme Durand et de Jeanne et leur faire mes adieux, je constatai avec joie que l'excursion au Tanargue, malgré toutes ses péripéties de fatigues et d'émotions, n'avait pas altéré la santé de la jeune fille. Ses joues étaient roses comme les fleurs des joubarbes et ses yeux avaient le rayonnement profond des pervenches. Elle avait à son cor- sage le petit bouquet bleu d'Airelle et manifesta de nouveau son regret de n'avoir pas pu embrasser avant de partir cette charmante enfant. Prenant ensuite le grand bouquet que je lui avais donné la veille, elle se mit à examiner curieusement les fleurs dont il se composait en paraissant fort s'intéresser à celles qui avaient des propriétés curatives. — Mais celle-ci, ajouta-t-elle, en détachant une branche de myosotis, a-t-elle aussi une vertu médicinale ? — Oui, dis-je, elle guérit de l'oubli et c'est pour cela qu'au lieu du vilain nom que lui ont donné les savants ( i ) , les Anglais et les Allemands l'ont appelée en leur langue ne m'oubliez pas. Nulle ne convenait donc mieux pour faire une couronne à mes simples. (i) Myosotis vient de deux mots grecs et signifie oreille de souris. N° i, — Juillet 1886. A