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silence du frère convert et ma curiosité, s'enhardissant de
nouveau, devenait intarissable. Pour le moment citait
bien le voyageur et non le pèlerin qui parlait. Cependant
je commençais à trouver que mon interlocuteur se tenait
dans une telle observance des règles du silence quelle eut
été digne d'un général de l'ordre et je me retournais, peut-
être pour le dire au bon frère Jean-Marie, lorsque je le vis
entrer avec mon dîner. Je compris alors qu'il m'avait
quitté et que tout en me chauffant j'avais parlé tout seul.
Mon dîner se composait de pommes de terre bouillies, de
beurre, de pommes de terre sautées et d'œufs.
   Les offices de nuit de la Grande Chartreuse sont remplis
de grandeur et de majesté, non plus comme dans nos
métropoles par la pompe et la munificence, mais par la
gravité solennelle dont ils sont empreints. Rien ne saurait
rendre l'effet produit par ces chants nocturnes. Quelle diffé-
rence entre ces psaumes sublimes vibrant dans la voix pleine
de conviction de ces saints religieux et ces prières, pourtant
si touchantes et si belles, entonnées par les gagistes de nos
lutrins! C'est toute une autre religion. Les Chartreux
demeurent inclinés, sont agenouillés, relèvent leurs ca-
puchons, s'en couvrent entièrement la tête, ou se jet-
tent la face contre terre, selon les offices, mais chacun
de ces mouvements est suivi d'une immobilité qui est tou-
jours complète. Le haut des stalles est occupé par les
novices dans leurs costumes noirs, puis viennent les
pères dans leurs costumes blancs : ils semblent tenir
ainsi ces jeunes néophytes entre eux et l'autel pour qu'ils
ne faiblissent pas, comme on mettrait de jeunes troupes
entre la bannière et des soldats aguerris. Ceux qui officient
se revêtent d'une aube fine de forme tout-à-fait pareille
à leur vêtement de lainCj les capuchons s'adaptent l'un