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18 au dernier terme "d'une étisie dont elle mourut peu après. Rien ne montre mieux les vrais penchants d'un homme que l'espèce de ses attachements. Quand on avait vu la douce Godefroi, on connaissait le bon Parisot. J'avais obligation à tous ces honnêtes gens. Dans la suite, je les négligeai tous, non certainement par ingratitude, mais par cette invincible paresse qui m'en a souvent donné l'air. Jamais le sentiment de leurs services n'est sorti de mon cœur : mais il m'en eût moins coûté de leur prouver ma recon- naissance que de la leur témoigner assidûment. L'exactitude â écrire a tou- jours élé au-dessus de mes forces ; sitôt que je commence à me relâcher, la honte et l'embarras de réparer ma faute me la font aggraver, et je n'écris plus du tout. J'ai donc gardé le silence , et j'ai paru les oublier. Parisot et Perrichon n'y ont pas même fait attention, et je les ai toujours trouvés les mêmes; mais on verra , vingt ans après , dans M. Bordes, jusqu'où l'amour- propre d'un bel esprit peut porter la vengeance lorsqu'il se croit négligé. Avant de quitter Lyon, je ne dois pas oublier une aimable personne que j'y revis avec plus de plaisir que jamais , et qui laissa dans mon cœur des souvenirs bien tendres ; c'est Mlle Serre , dont j'ai déjà parlé dans ma pre- mière partie, et avec laquelle j'avais renouvelé connaissance tandis que j'étais chez M. de Mably. A ce voyage, ayant plus de loisir, je la vis davantage ; mon cœur se prit, et très-vivement. Voici la lettre à grands sentiments que Rousseau écrivit alors à cette charmante fille : A Mademoiselle ....V741. Je me suis exposé au danger de vous revoir, et votre vue a trop justifié mes craintes, en rouvrant toutes les plaies de mon cœur. J'ai achevé de perdre auprès de vous le peu de raison qui me restait, et je sens que, dans l'état où vous m'avez réduit, je ne suis plus bon à rien qu'à vous adorer. Mon mal est d'autant plus triste, que je n'ai ni l'espérance ni la volonté d'en guérir, et qu'au risque de tout ce qui peut en arriver, il faut vous aimer éter- nellement. Je comprends, Mademoiselle, qu'il n'y a de votre part à espérer aucun retour; je suis un jeune homme sans fortune, je n'ai qu'un cœur à vous offrir , et ce cœur, tout plein de feu, de sentiments et de délicatesse qu'il puisse être , n'est pas sans doute un présent digne d'être reçu de vous. Je sens cependant, dans un fond inépuisable de tendresse , dans un carac- tère toujours vif et toujours constant, des ressources pour le bonheur, qui devraient, auprès d'une maltresse un peu sensible, être comptées pour quel-