page suivante »
159 Où suis-je ? dit-il faiblement, j'ai fait un rêve long et douloureux, il me semblait que j'avais quitté la vie ! tout à coup il tressaillit en trouvant sous sa main cette main frémissante de jeune femme, il la serra convulsive- ment et la porta rapidement vers son front en l'appelant de son doux nom. Tout venait de se retracer à son esprit! Le paupre père, de sa seule et vieille main, serra et mit ces deux jeunes mains ensemble : malheureux enfant ! qu'as-tu fait ! C'étaient les premières paroles que je lui entendais prononcer. Oh ! combien fut doux et recon- naissant le regard que lui adressa cette femme à moitié penchée sur ce lit de douleur, c'était tout un serment de bonheur, d'avenir calme et délicieux ! Avenir si large- ment payé. Craignant les émotions trop vives pour mon maladroit, je renvoyai tout le monde d'autorité ; je ne gardai avec moi qu'une bonne femme du château. Une potion procura au malade une nuit assez calme. Je la passai toute entière à le veiller. Le lendemain, il était jour à peine, je vis entrer le père et la jeune demoiselle 5 tous deux n'avaient pas quitté leurs vêtements de la veille : leurs yeux étaient rouges, remplis encore de larmes, le visage défait. Ah ! c'est une terrible chose qu'un semblable chagrin ! Mais déjà je répondais de sa vie. Le père m'eut, je crois, donné toute sa fortune. La jeune femme avait bien envie de me sauter au cou. Enfin, que vous dirais-je ? Dans une conversation longue et pénible pour le malheureux vieillard, j'appris que son fils, officier de cavalerie, était venu passer un congé dans sa famille : là , pour la première fois, il avait vu cette jeune personne, nièce de son père, orpheline