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LA CHASSe A L ABONNÉ II9
« S'il rend compte impartialement d'une réunion, on
dit qu'il eût mieux fait de se taire; s'il ne le fait pas, on dit
qu'il tronque les textes.
« S'il donne la biographie d'un homme public, on le
taxe de partialité ; s'il n'en parle pas, on dit qu'il ne s'oc-
cupe de rien.
« S'il donne un article qui peut intéresser les femmes,
les hommes sont mécontents et vice versa. Si le directeur du
journal va à l'église, on dit que c'est un clérical; s'il n'y
va pas, on trouve que c'est un homme sans foi ni conscience.
« S'il reste au bureau pour diriger son journal, on dit
qu'il a peur de se montrer ; s'il sort trop souvent, s'il va
dans un café, on dit qu'il ferait mieux de diriger son
journal. »
L'abonné n'est jamais content de son journal, — cela est
d'une rigoureuse exactitude, — et cependant neuf fois sur
dix, il rend hommage à l'ingéniosité du traquenard dans
lequel il est tombé.
Sa situation est exactement celle du commanditaire naïf
qui disait à sa femme pour justifier sa confiance excessive
dans les entreprises de Tamponner. :
— C'est un malin ; rappelle-toi comme il nous a roulés
dans l'affaire des 1.300 francs !
Léon MAYET.