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96                       SAINT NIZIER

collègues, un procès qui mettait en conflit les intérêts des
fidèles et de l'Eglise avec le penchant de sa tendresse et les
désirs de sa mansuétude. Il n'hésita pas cependant; la justice
est encore une forme de la bonté et défendre la bergerie contre
la rapacité des loups est une obligation non moins rigoureuse
que celle de la mener dans les plus gras pâturages. Nous
aurions volontiers jeté un voile sur des faits où le scandale
part du côté même où l'on attend l'édification et la dignité
de la conduite ; mais notre silence ne couvrirait rien; l'histoire
a depuis longtemps enregistré ces fautes. Il est plus franc et
plus simple de laisser à chacun la responsabilité de ses actes :
la pureté de la doctrine n'en est pas atteinte, ni là sainteté
de la morale chrétienne éclaboussée. Il me semble au con-
traire que la douce figure de votre patron grandit et s'illu-
 mine encore, lorsqu'on connaît mieux les moeurs barbares
 de quelques-uns de ses contemporains et qu'on est ren-
 seigné sur les vices qui les souillaient et sur les infamies
 dont ils se rendaient coupables.
    Deux clercs de l'école cathédrale, Salonius et Sagitta-
 rius, avaient été appelés, le premier sur le siège d'Embrun, le
 second sur celui de Gap. Mais il eût été davantage dans
 leur caractère et dans leurs goûts, au lieu de la mitre, de
 coiffer un casque militaire. On fut en effet, bientôt après
 leur consécration, étonné d'apprendre qu'ils étaient, tous
 les deux, aux côtés du duc Mommole dans son expédition
 contre les Lombards. Leur vaillance et leurs coups d'épée
 n'excusaient pas l'incorrection de leur présence dans les
 rangs de l'armée. Rentrés chez eux et, pour continuer le
 métier qui les avait enchantés, ils organisèrent une attaque
 de bandits contre l'évêque de Saint-Paul-Trois-Châ-
 teaux. Us envahissent sa demeure, massacrent ses serviteurs,
 brisent son mobilier, vident ses celliers et l'accablent lui-