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DE LA FIN DE LA GUERRE DE CENT ANS 153 Mais, lorsque Jeanne d'Arc paraît, quels sont, quels peuvent bien être, à son sujet, les sentiments des Lyonnais ? Ah ! que d'autres se demandent ce qu'il faut penser de la vierge de Vaucouleurs ! que les politiques du conseil du Roi et les théologiens de l'Université anglaise de Paris discutent à leur aise si c'est le Ciel ou l'Enfer qui l'inspire. A Lyon, personne n'hésite; prêtres, peuple, bourgeois, tous voient en elle « l'Angélique » (25) messagère de Dieu qui a daigné enfin abaisser sur la France un regard de pitié et de salut. C'est que l'illustre docteur, dont l'existence s'achève, dans le recueillement et la prière, à l'ombre du cloître de Saint-Paul, c'est que le vénéré Gerson a parlé. Il a cru devoir rompre le silence de ses derniers jours pour élever la voix en faveur de Jeanne, pour déclarer qu'on peut, qu'on doit croire à la pucelle. C'est le dernier enseignement du (25) « Et l'appelaient parmy France les folles et simples gens l'An- gélique. « Chroniques bourguignonnes, publiées par Kervyn de Letten- hove, p. 197. Le poète Alain Chartier, secrétaire de Charles VII, pensait comme le bon peuple de France : « O fille vraiment extraordi- naire ! Tu ne viens pas de la terre, tu es descendue du Ciel pour relever la France de sa ruine. Tu es digne de toute louange et de tout hom- mage, tu es digne des honneurs divins, tu es la lumière du royaume, l'éclat des fleurs de lis, le soutien non seulement de la France, mais de toute la chrétienté ! » — Et le clergé n'était pas d'un autre avis. A Grenoble, il était tellement convaincu de la mission divine de Jeanne d'Arc qu'il inséra dans la liturgie des oraisons spéciales où est invoqué le Dieu « qui a voulu sauver son peuple par la main d'une femme » : Deus, actor pacis et amalor, qui sine arcu et sagittd inimicos in te sperantium alidis, sicut populum tuum per manum feminœ liberasti, sic Carolo régi nostro brachium Victoria érige, ut ipsius, hostes queat in prœsenti superare et tandem ad te, qui via, veritas acvita est, una cum sibi commissd plèbe paci- fiée valeat pervenire, per dominum nostrum... V. Prudhomme. Histoire de Grenoble, p. 252.