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122 BIBLIOGRAPHIE effort pour faire sortir de la féodalité même l'établissement de la décen- tralisation au moyen âge, et le rôle destructeur de la Réforme qui vint l'arrêter au seizième siècle, en apportant de la personnalité absorbante de l'Etat une conception toute nouvelle, pour la mettre au service de sa haine contre le catholicisme, y sont, par exemple, mis en lumière avec une rare puissance de démonstration ; de même le fonctionnement des Etats généraux, les origines du gouvernement représentatif, l'invasion toujours croissante de la bourgeoisie dans la noblesse, avant 1789, sont l'objet d'un examen propre à rectifier bien des erreurs, dont on se plaît à charger l'ancien état de choses pour justifier la Révolution. L'étude des institutions judiciaires devait naturellement tenter un ancien magistrat. M. Beaune y a consacré une grande partie de son ouvrage, et par un heureux choix de personnages et de faits particu- liers, il les a montrées dans leur application ; c'est surtout dans le Parlement de Bourgogne qu'il a choisi ses exemples, et en ressuscitant les grandes figures du premier président Brulart, des avocats généraux Quarré d'Aligny et Millotet, il a prouvé que si, dans tous les temps, il s'est rencontré des magistrats que la politique a entraînés hors de leur devoir, il s'en est toujours trouvé aussi pour le faire au risque de leurs intérêts et même de leur vie. L'exposé de certains procès célèbres est certainement ce qui attirera le plus l'attention du lecteur ; on peut dire qu'après M. Kerwyn de Lottenhove et, en résumant ses découvertes récentes, M. Beaune a 1 evisé le procès de Marie Stuart ; que l'infortunée reine ait été condam- née sur des pièces fausses fabriquées par ses accusateurs exprès pour la perdre, c'est ce dont il n'est plus permis de douter après l'avoir lu ; la preuve est complète. Les procès de Voltaire contre le président de Brosses, qui se trouve avoir plus d'esprit que lui, et contre Travenol, violon à l'Opéra, sont présentés avec des détails du plus vif intérêt ; M. Beaune semble s'être attaché plutôt à les raconter qu'à les apprécier, et il a eu raison ; les faits parlent tout seuls, et jamais preuve plus claire n'a été fournie de l'insigne mauvaise foi du prétendu apôtre de l'humanité. Bornons-nous à signaler, en terminant, l'étude la plus intéressante peut-être du volume, celle du procès de réhabilitation de Lally-Tollendal ; c'est un vrai service rendu à l'histoire, car qui doute, sur la foi de presque tous les historiens, à commencer par Henri Martin que le général, exécuté le 9 mai 1766, ait été réhabilité par l'arrêt du 23 mai 178s? Nul ne doutera plus du contraire après avoir lu M. Beaune