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RENÉ DE IXGIKGE 313 au fond de son âme. Cette femme, jeune et charmante, tenait dans ses bras un nouveau-né qu'elle semblait re- garder avec ravissement. Plusieurs coups frappés à la porte firent tressaillir le comte de Groslée ; une portière de velours fut soulevée ; un beau jeune homme et un homme d'un âge mûr entrè- rent dans l'appartement. Une figure noble et régulière, des yeux qui lançaient des flammes, une dignité modeste frappaient dans l'inconnu ; il releva son manteau, et l'on aperçut le cordon de l'ordre de l'Annonciade avec la devise : FERT. Le jeune homme s'approcha du comte de Groslée d'un air respectueux et attendri, et voulut lui baiser la main ; le vieillard la retira. — Cessez, René, toute protestation de respect et de ten- dresse ; je ne vous regarderai comme mon neveu que lors- que je saurai la vérité tout entière ; et vous, baron de Mali- vert, votre présence ici est-elle d'un heureux augure? Le baron s'inclina. — René, votre père est ici depuis hier. Je ne comprends que trop le sujet de sa visite. Coupable et insensé jeune homme, comment osez-vous vous présenter devant moi, si ce que la renommée publie de vous est vrai ? Toutefois, j'ai reçu votre message et je vous écoute. — Je vous remercie, mon oncle, dit d'une voix émue René de Lucinge, de vouloir m'entendre ; peut-être les passions terribles qui m'agitent m'obtiendront-elles un peu de pitié, et ma sincérité de l'indulgence ; j'ose vous demander le secret de ma présence ici ; que surtout mon père l'ignore à jamais. — A notre âge, Messire, dit Gaspard de Malivert, on comprend peu les passions de la jeunesse ; j'ose cepen- dant aussi vous demander pardon et indulgence pour le