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                       MON AMI GABRIEL                   21b

 s'était gravée si fortement dans son esprit, la pensée de
 la revoir et de lui porter quelques paroles de consolation
 dernière l'obsédait tellement depuis quelques jours, qu'il
lui avait écrit pour lui demander de le recevoir.
    Pourquoi n'avait-il point parlé à Louise de l'objet de
sa tristesse ? Pourquoi ne lui avait-il pas confié son
projet de voir Nelly ? Ah ! parce que, si la compassion
dominait dans son cœur, le temps n'y avait pas effacé
le souvenir d'un sentiment plus vif.. . C'est ce qui lui
avait causé cette inquiétude et ces combats que sa
droiture ne pouvait cacher. A la fin, dans le parallèle
qu'il s'était fait entre Louise entourée de bonheur et
Nelly succombant sous le poids des chagrins, la pitié
l'avait emporté, et la visite à l'hôtel du Parc s'était faite
malgré les supplications de Mme Reynaud.
    Je n'ai jamais rien su de ce douloureux tête-à-tête.
De quelle scène navrante mon pauvre ami ne fut-il pas
témoin ? que de larmes n'eut-il pas à refouler pendant
les longues heures de cette affreuse nuit !... Tandis qu'il
luttait contre l'agonie, s'attendant de minute en minute
à fermer les yeux de son amie, chaque instant de retard
lui faisait perdre quelque chose de l'affection de sa
femme. Ah ! si Louise avait connu la vérité, son cœur
n'eût pas été meurtri par de fausses alarmes : mais
Gabriel était trop fier pour avouer une faiblesse, quoi-
qu'il en eût triomphé.
   Aussi bien, il comprenait tout et se sentait presque
coupable. Il évitait les regards de sa femme et n'osait
même pas lui parler de la santé de leur enfant. Une
froideur inexplicable s'était glissée entre eux. Il n'entrait
chez elle que pour assister à la visite du docteur ; puis
il s'enfermait dans son cabinet et s'y promenait à grands
pas tout le reste du jour.