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312 11JSNÉ DE LUCIKGK quelqu'un avec angoisse ; car aussitôt qu'il aperçut une barque sur le Rhône, il fit le signe de la croix et ses lèvres parurent murmurer une prière. Deux hommes se trouvaient seuls sur la barque et ramaient avec ardeur. La tempête soulevait les flots du fleuve avec violence, et le danger paraissait imminent si la barque ne se hâtait d'a- border au rivage. Le noble Aymon fait aussitôt résonner un sifflet d'argent; un vieux serviteur s'approche avec respect : — Gilbert, lui dit son maître, allez promptement rece- voir ces deux hommes qui luttent avec courage sur le fleuve, au sein de la tempête. Je veux leur donner cette nuit l'hospitalité. Prenez garde toutefois qu'ils ne soient vus des habitants du château ; ouvrez-leur la poterne et conduisez-les auprès de moi. Le marquis de Lucinge est- il rentré ? — Non, Monseigneur. — Dites-lui à son retour que je suis au lit, et que de- main matin je serai à ses ordres pour lui donner l'au- dience qu'il me fait demander. Allez, hâtez-vous. Les voyageurs touchaient la terre. Gilbert, l'homme de confiance de son maître, son ancien écuyer sur les champs de bataille, s'inclina et descendit rapidement. Le comte de Groslée alluma lui-même une lampe, et se laissant tomber dans un grand fauteuil de chêne sculpté, il se frappa le front et parut en proie à une vive agitation ; puis se relevant, il parcourut à grands pas l'appartement, s'arrêta un instant devant une table char- gée de papiers et de parchemins, prit une lettre, la froissa avec impatience ; puis fixant ses regards sur une douce figure de femme peinte par un peintre flamand, il la con- templa avec amour, et une larme vint mouiller les pau- pières du vieillard et calmer un peu l'orage qui grondait