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146                   MON AMI GABRIEL

 s'écria Charles pour atténuer cette observation maligne.
    — Oui, des cheveux blonds, répondit Gabriel.
    — Tous les bébés ne sont-ils pas blonds ? dit le doc-
 teur Albert.
    — Mais, mon cher, c'est ton portrait vivant : voilà
bien ton front, ton nez.. . Oh ! ton nez surtout ! quelle
 réduction parfaite !
   — Curieux ! s'écria un autre, comme nous sommes
faits, quand nous venons au monde !
    — Mon cher Vimeux, reprit Gabriel, quand tu auras
des enfants tu seras comme moi, je te le prédis, et tu
seras tout fier de les faire sauter dans tes bras.
   — Eh ! . . . je veux le croire, quand j'en aurai.
   En même temps, dans la chambre voisine faiblement
éclairée et toute pleine d'une chaude atmosphère, les
amies intimes de Mme Reynaud faisaient cercle autour
d'elle, la comblant de prévenances et de petits conseils.
Par intervalles, quand sa femme était seule, Gabriel
s'approchait d'elle et lui disait quelques mots à voix
basse :
   — Ma Louise, te voilà bien ?
   — Très bien ; mais tout ce monde me fait un peu
tourner la tête.
   Les hommes s'étaient peu à peu retirés dans le cabinet
de Gabriel pour fumer et causer plus à l'aise. On de-
visait de toutes choses au milieu d'un nuage bleu^ui
s'épaississait de minute en minute et qui voilait délicieu-
sement la flamme des bougies. L'inévitable politique
avait défilé des premières ; la question allemande était
venue à son tour, suivie de celle des armements ; un
spéculateur avait dit son mot sur la cote de la Bourse
et deux avocats achevaient des plaidoiries inédites pour
un procès en diffamation qui attirerait la cour et la ville.