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LA QUEUE D'UN SINGE. 37 honte, je m'en flatte même et je suis prêt à traiter en jour- naliste le premier qui ferait des gorges-chaudes à ce sujet. . . . . Eh bien ! j'ai rarement passé une heure avec Clau- dius sans lui dire à la fin : Taisez-vous , vous êtes une huître ! . . . Savez-vous ce qu'il me répond ? L'huîtreostrea vulgaris, en grec ostréon (rappelez-vous Aristide et l'os- tracisme), « est un mollusque acéphale, bivalve, à coquille « lamellée, rugueuse au dehors, nacrée en dedans. Dès « l'époque antédiluvienne, les huîtres ont formé des" bancs « énormes qui constituent aujourd'hui, dans l'intérieur des « terres, de véritables montagnes. Les marbres de Sail- « lans, les rochers de Crest... vous devez l'avoir remar- « que » — Oui oui, je l'ai remarqué ; parbleu, si je l'ai remar- qué ! mais on m'attend ; bonjour, portez-vous bien ! Là dessus, je me sauve. Pourtant il n'est pas pédant, non. Chez lui, ce déborde- ment de science est naturel comme le trop plein d'une fon- taine; aussi, malgré ce déplorable travers, j'aime Claudius. Quand j'habitais Lyon, on nous voyait souvent bras-des- sus, bras-dessous, flâner au parc de la Tête-d'Or. Après les mathématiques, il travaille surtout l'histoire naturelle pour laquelle j'ai un faible. Il m'initiait aux rêveries du pélican, il interprétait l'étrange pyrrhique des grues (je parle des grues ailées et non de cel^s qui professent la danse natio- nale au Château des Fleurs).— Il me dévoilait les mystères du colombier, les secrets de l'étang, les arcanes des saulées. Il trouvait en moi un auditeur d'une bienveillance relative, et je trouvais en l u i . . . ;. Je veux avaler toute la gerbe des couleuvres de Veuillot, si je sais ce que je trouvais en lui : un dictionnaire, peut- être. . . un bon cœur à coup sûr. Il m'offrait quelques dîners savamment combinés mais je ne suis ni gourmand ni gourmet, —pourvu que le vin soit frais, la nappe blanche et la sauce relevée , vous. me feriez manger des pois chiches pour de la purée d'ana-