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320 CHARABARA. les yeux écarquillés d'admiration, il se prit à regarder les évolutions du jouet, avec un contentement sans mélange. « Bon, reprit le capitaine, ils ont aussi leurs joies! Et « pourquoi pas? Après les heures laborieuses, le plaisir est « plus vif. Mais, qu'en saisie?... Véritablement je n'ai ja- « mais rien fait que défaire. Rien ne subsiste de qua- « rante ans d'action. Je ne pourrais pas même gagner ma « nourriture de la journée. » Il donna,deux sous au petit Savoyard, et revint tout pen- sif au logis. « Le travail, dit-il sans préambule à Lucien, est une belle « chose. Supprime le travail, l'homme est au niveau de la « brute. Et encore!... l'abeille pétrit du miel, la fourmi < creuse des celliers, le castor élève des barrages, l'hiron- ' « délie maçonne, et la chenille tisse..., oui ! mais le miel, « le grain, les digues, le nid et le cocon, ne servent qu'à la « ruche, à la fourmilière, à la tribu, à la couvée, à l'indi- c vidu.... Le travail de l'homme profile à tous les hommes. e « Ce que l'on fabrique à Paris sert à Pékin. Chacun dépend « de tous et tous dépendent de chacun; c'est magnifique! « Et la guerre? La guerre est belle aussi, tonnerre! Diri- « ger des armées, conquérir des places, passer, le sabre au « poing, sur les bataillons écrasés; crier vive la France! « vive la République! vive l'Empereur! tout ce que vous « voudrez, en frappant d'estoc et de taille, à gauche, a « droite, en avant, au bruit du canon, â la fumée de la pou- « dre Tudieu ! Tu verras ce que c'est ! » El le vieux soldat d'Austerlitz enivré do ses souvenirs, chanta d'une voix qui conservait la ferme intonation des commandements militaires, le refrain des hussards-noirs : « Le for déchire, le plomb mord « Courbés sur vos chevaux, pressez leurs bonds rapides « Et, comme l'ouragan sur les moissons arides, « Chargez! cavaliers de la mort!