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                          CHARABARA.                       509
   Pour pénétrer dans leur intimité, reprenons notre récit de
plus haut.
   On sait comment, en 18J 4, les cadres militaires furent
décimés. Cette mesure atteignit surtout les officiers subalter-
nes, tombés soudain d'une aisance relative dans un dénû-
ment presque absolu.
   Ils se montrèrent, en général, calmes et dignes à l'heure
des disgrâces. Quelques-uns pourtant (ce n'était pas les plus
injustement frappés) s'en allèrent, colletés jusqu'aux joues,
boutonnés jusqu'au menton , l'échiné raide, la moustache
provoquante, le bolivar sur l'oreille, traîner leur grosse
canne, leurs longs éperons et leur mauvaise humeur par les
rues de Paris, écrasant tout pékin sous un mépris rageur ,
et cherchant de mauvaises querelles à leurs camarades main-
tenus en activité. D'autres, plus souples, à force d'importuner
de leurs courbettes les nouveaux chefs d'administration, obtin-
rent des postes tels quels. Un bien petit nombre chercha des
ressources dans l'industrie. La guerre leur avait désappris le
travail.
    De là surgit le type major de l'Empire, dur-â-cuire farouche
et sensible, bienveillant et sabreur, écloppé et galant, accou-
plant gloire et victoire , honneur et malheur, bataille et
mitraille, jurant : mille canons ! saluant son propre uniforme
accroché au porte-manteau , et tombant toujours amoureux
de l'orpheline d'un frère d'armes ; type dont la scène et le
 roman ont abusé jusqu'à la troisième capucine, escadron du
diable !            type que le ridicule a tué d'un seul mot:
chauvin.
    Le capitaine Charles Gauthier fut remercié comme tant
 d'autres. Il avait alors une quarantaine d'années. Excellent
 officier, il était de plus excellent homme ; cela negdte rien.
 Son avancement n'avait pas été rapide. Certaines gens arpen-
 tent avec des bottes de sept lieues le chemin de la fortune ;